Sagesse toltèque pour plus de justesse

Pour regarder en avant, il faut savoir parfois revenir en arrière. Loin très loin. C'est un des fondamentaux de la psychanalyse. Sans avoir à s'allonger sur un divan, il y a parfois des savoirs ésotériques émanant des Anciens sur lesquels on peut s'appuyer (un peu) pour se forger une ligne de conduite, et dont nos élites en mal de valeurs et d'éthique pourraient s'inspirer à l'avenir. Ainsi d'une tradition venue dun peuple guerrier du Mexique, les Toltèques, prédécesseurs des Aztèques, considérés par ces derniers comme « sages et penseurs, justes et pas trompeurs, grands et importants ». Leur tradition a été remise au goût du jour en 1997 par un chaman mexicain Don Miguel Ruiz. Son livre « les Quatre Accords toltèques » est devenu un best-seller mondial qualifié par les uns de philosophie à bon marché, par les autres de méthode révolutionnaire vers une meilleure connaissance de soi et des autres et reconnue aujourd'hui par des psychologues cliniciens. Laissons là ce débat et amusons-nous à voir combien nos créateurs, politiques et dirigeants de tous horizons, se sont si bien éloignés de la plus élémentaire sagesse qu'ils redonnent à ces quatre accords toute leur actualité.Le principe fondateur de cette approche est de passer avec nous-mêmes quatre accords visant à briser nos croyances limitatives et à nous redonner une image plus juste de nous-mêmes et du monde, à nous démontrer à quel point le manque de distance ou la généralisation abusive sont des pièges.Premier accord : « Que votre parole soit impeccable. Parlez avec intégrité, n'utilisez pas la parole contre vous, ni pour médire d'autrui. » Les Toltèques avaient apparemment compris avant Freud le pouvoir du verbe sur le psychisme. Les mots ont du poids et agissent sur la réalité. Cela a échappé à John Galliano. En cultivant la modération de ses propos - ce que sait faire à merveille son homologue Karl L. -, il aurait pu éviter de se détruire en plein vol.Deux : « N'en faites jamais une affaire personnelle. » Voilà un précepte à l'usage de nos politiques, plus occupés à faire valoir leurs arguments qu'à agir pour la cité, sans prendre assez de recul pour considérer que ce que les autres disent et font n'est qu'une projection de leur propre réalité. L'idée n'est pas de rester stoïque mais de mieux s'ancrer dans ses convictions et de se forger ses valeurs. Bref, faire l'expérience de sa singularité existentielle, conquérir son intériorité pour un accès plus authentiquement juste à l'extériorité, et à terme plus convaincant pour les électeurs qu'un faux nez.Trois : « Ne faites aucune supposition. » Voilà qui aurait évité à Carlos Ghosn de se fourvoyer. Travers banal des dirigeants et des leaders qui, se sentant stratèges, élaborent des hypothèses et finissent par y croire. Mais apprendre à mettre les choses à plat implique de savoir écouter et d'être capable d'entendre... donc de lâcher le lest d'un ego surdimensionné.Enfin, le quatrième - « Faites toujours de votre mieux » - semble avoir totalement échappé à Didier Lombard, l'ex-patron de France Télécome;lécom, resté insensible aux difficultés de son personnel tout autant qu'à sa posture ambiguë et inconvenante de ces derniers mois. Quintessence des trois premiers points, ce quatrième accord fustige le syndrome de perfection utilisé à mauvais escient : lorsque l'on en fait trop, on se vide de son énergie et on finit par agir contre soi. Sauf que, en faire moins, c'est s'exposer à la frustration et au regret, toujours délicat pour celui qui veut faire la course en tête. Les Toltèques nomment tout ce processus l'art de la transformation, pour mieux nous ramener au principe de réalité. Ainsi considéraient-ils l'esprit humain comme un « mitote » (prononcez mi-to-té) épais brouillard dans lequel s'expriment en même temps des milliers de voix et où personne ne comprend personne. Prônant la pleine conscience, le philosophe Kierkegaard était arrivé, en 1835, à la même conclusion : « Ce qui me manque au fond, c'est de voir clair en moi, de savoir ce que je dois faire et non ce que je dois connaître. » Reste à développer une stratégie du Vivre qui dépasse l'enseignement toltèque et à le mettre en perspective pour ne tomber ni dans la « moraline », ni dans de vieux truismes, mais pour tracer une voie tout simplement plus humaniste... comme un principe de réalité pour demain.
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