La bataille des fonds propres

Loin d'avoir clos le débat sur la juste capitalisation du secteur bancaire, la publication, lundi, des règles dites de Bâle III n'a fait que le déplacer vers les questions liées à la mise en oeuvre du nouveau cadre prudentiel. Car l'attitude des superviseurs pourrait bien varier d'un pays à l'autre, au risque de saper les fondements des accords de Bâle, qui visent précisément à mettre tous les établissements à égalité dans la concurrence internationale. Comme tout accord multilatéral, les décisions du Comité de Bâle résultent en effet d'un compromis. Certains pays, comme l'Allemagne, ont ainsi ferraillé pour assouplir le dispositif, tandis que d'autres, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse, n'auraient pas été contre un tour de vis supplémentaire. Ce qui a conduit de nombreux observateurs anglo-saxons - comme l'éditorialiste du « Financial Times » Martin Wolf, ancien économiste senior à la Banque mondiale à estimer que la montagne de Bâle avait accouché d'une souris.De fait, les divergences d'appréciation ne se sont pas fait attendre. D'un côté, le régulateur canadien, dont les banques ont très bien traversé la crise, a pris acte du soulagement ambiant en annonçant dès mercredi l'abandon des restrictions qu'il avait imposées sur les dividendes et les rachats d'actions. Dans la même logique, certains investisseurs demandent déjà aux banques de restituer le capital qui apparaîtrait comme excédentaire. Mais d'autres régulateurs, notamment ceux dont les banques ont le plus souffert de la crise, pourraient bien faire du zèle. D'autant que Bâle III prévoit la mise en place, au-delà du plancher réglementaire, d'un coussin de capital « contracyclique » dont l'épaisseur est laissée à leur appréciation « en fonction des circonstances nationales ». Un plancher en chineLa Suisse, dont le secteur bancaire pèse huit fois le PIB, pourrait ainsi soumettre UBS et Credit Suisse à des normes plus exigeantes, comme elle l'avait fait avec Bâle II. De même, la Chine envisagerait déjà, selon l'agence Bloomberg, d'appliquer à ses grandes banques un plancher de 15 % de fonds propres dès la fin 2012. Résumant cet état d'esprit, un représentant de la banque centrale norvégienne a indiqué mercredi que ce serait « aux autorités nationales de décider si les nouvelles règles doivent être appliquées par anticipation », ajoutant que « la Norvège devrait l'envisager ». Conscient du problème, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a d'ailleurs souligné mardi que « les nouvelles règles ne sont qu'une partie du travail », et que « la supervision est peut-être encore plus importante ». La bataille des fonds propres ne fait donc sans doute que commencer.
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