Cinq ans après Lehman Brothers, un système bancaire (pas tellement) plus sûr

Il y a cinq ans tout juste, le 12 septembre 2008, s'ouvrait un week-end décisif pour Lehman Brothers. Et pour le monde entier, précipité dès le lundi 15 septembre 2008 par la faillite de la banque d'investissement américaine dans la plus grave crise financière et économique jamais connue depuis la Grande Dépression des années 1930. Un an plus tard, à l'automne 2009, les grands de ce monde se réunissaient dans le cadre du G20 de Pittsburgh, avec pour mot d'ordre « plus jamais ça. » S'en est suivie une avalanche de projets de réglementations du secteur bancaire, tant à l'échelle internationale, qu'aux niveaux européens et nationaux. Le ratio de solvabilité des grandes banques mondiales s'élève à 9%, en moyenne Mais, cinq ans plus tard, le système bancaire est-il réellement plus sûr ? Le Comité de Bâle, chargé de la régulation bancaire internationale, veut le croire. Début septembre, il a remis aux participants du G20 de Saint-Pétersbourg un rapport affirmant que le ratio de solvabilité des grandes banques mondiales - qui rapporte leurs fonds propres « durs » (de toute première qualité) à leurs actifs pondérés du risque - s'élève aujourd'hui à 9% en moyenne. Un chiffre déjà supérieur au seuil minimum de 7% exigé par le Comité de Bâle d'ici à 2018, seuil lui-même trois fois supérieur à celui qui était en vigueur avant la crise de 2008. « Il s'agit là de nouveaux éléments positifs, qui vont contribuer à renforcer la résistance du système bancaire », s'est félicité Stefan Ingves, le président du comité de Bâle. Certes, « soutenu par le politique, le régulateur a profité d'une volonté d'action sans précédent (…). Davantage encadré, le système bancaire et financier mondial est aujourd'hui plus conscient des risques systémiques à anticiper   », reconnaît Eric Delannoy, vice-président du cabinet de conseil en stratégie Weave. De la même façon, le contre-lobby bancaire Finance Watch ne méconnaît pas que « les autorités internationales, européennes et nationales ont produit des propositions législatives, des réglementations, des codes de surveillance », et que « de nouveaux organes de supervision ont été créés en Europe. » Autant « d'évolutions positives », juge Finance Watch. Le monde compte encore 28 banques d'importance systémique Pour autant, « les réformes financières mises en place depuis (la faillite) de Lehman Brothers sont insuffisantes », affirme le contre-lobby bancaire. Ce dernier en veut pour preuve le poids de la finance, devenu plus important que jamais dans l'économie de l'Union européenne (UE), « le total des actifs des institutions financières représentant aujourd'hui plus de 350% du produit intérieur brut de l'UE. » Idem aux Etats-Unis, où les banques les plus solides ont profité de la crise financière pour racheter certaines de leurs concurrentes mal en point. A l'image de JP Morgan, qui avait croqué et Bear Stearns et Washington Mutual, en 2008. Conséquence, la valeur totale des actifs des dix plus grandes banques américaines est passée de 7.810 milliards de dollars fin 2006 à 10.970 milliards au deuxième trimestre 2013, selon le cabinet SNL Financial.Résultat, le Conseil de stabilité financière, créé en avril 2009, compte encore dans sa liste mondiale 28 banques d'importance systémique, dites « too big to fail », c'est-à-dire dont la faillite serait lourde de conséquences pour l'ensemble du monde économique. Comme cela avait été le cas avec la banqueroute de Lehman Brothers. Les réglementations tardent à se mettre en place Autre problème, la foultitude de réglementations décidées dans le sillage de la crise de 2008 tardent à se mettre en place. Au point que « si un Lehman 2.0 survenait demain, nous n'aurions pas encore en main les outils que nous avons conçus (ces toutes dernières années) pour gérer efficacement une crise bancaire », a affirmé Andreas Dombret, l'un des membres du conseil d'administration de la Bundesbank - la Banque centrale allemande -, dans un entretien à l'agence Reuters, le 30 août dernier. Une opinion visiblement partagée par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, qui a jugé le 10 septembre qu'il était « essentiel d'aller vite » dans la création de l'union bancaire européenne. Destiné à créer un système européen de gestion des crises bancaires, afin d'éviter que le sauvetage de banques en difficulté ne plombe durablement les finances des pays concernés, ce projet se heurte aux réticences de l'Allemagne. L'efficacité du lobby bancaire n'est plus à démontrer Les Etats-Unis connaissent ce même problème de lenteur dans la mise en œuvre des réglementations votées il y a trois ans. A ce jour, sur les quelque 400 dispositions contenues dans la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street, adoptée en 2010 par le Congrès, pas plus de 40% ont été intégrées à la législation américaine, d'après un rapport du cabinet d'avocats Davis Polk & Wardwell. Au point que, dans un communiqué publié le 19 août dernier, Barack Obama a enjoint les régulateurs financiers américains « de terminer rapidement la mise en place des parties critiques de la réforme de Wall Street, afin que nous soyons sûrs de pouvoir empêcher une nouvelle crise financière. » Il y a notamment plus d'un an que la règle Volcker, qui interdit aux banques de spéculer pour leur propre compte, aurait dû entrer en vigueur. Mais c'était compter sans la ténacité des banques. « Cinq ans après la crise, le lobby bancaire s'oppose de manière toujours aussi efficace à la réglementation », enrage Finance Watch.>> DIAPORAMA Chute de Lehman Brothers, c'était il y a 5 ans (déjà) 
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