la résistance de Guédiguian

cinémaPour cette fois, Jean-Pierre Darrousin et Ariane Ascaride jouent les seconds rôles au profit d'une escouade de jeunes acteurs emmenés par Simon Abkarian et Robinson Stevenin, les rues de Paris remplacent celles de Marseille. Le XIe arrondissement a pris le pas sur l'Estaque et Robert Guédiguian a délaissé l'?uvre intimiste pour une fresque historique. Et pourtant. « l'Armée du crime » est peut-être l'un des films les plus personnels du réalisateur, fils d'une mère allemande et d'un père arménien et communiste. Comme le héros de son long-métrage, le poète ouvrier Missak Manouchian, qui devait prendre la tête d'un important réseau de résistance ? membre des fameux Francs-tireurs et partisans - Main-d'?uvre immigrée (FTP-MOI) ? en 1943 avant de tomber aux mains de la police française et d'être fusillé avec 22 de ses camarades. Ceux de la célèbre « Affiche rouge ».Rien ne prédestinait Manouchian à prendre les armes. Orphelin dès son plus jeune âge (son père a probablement été massacré à l'occasion du génocide arménien en Turquie en 1915 avant que sa mère ne meure de famine), le poète a débarqué en France en 1925. Menuisier, man?uvre chez Citroën, adhérent du PC dès 1934, il suit par ailleurs des cours à la Sorbonne, traduit Baudelaire et Verlaine en arménien, s'occupe de revues de littérature et écrit ses propres poèmes. l'âme humaine au scapelAmoureux de la France autant que de la liberté, récalcitrant à l'idée de faire couler du sang, il accepte néanmoins de diriger un groupe de résistants. Hongrois, Arméniens, Italiens, Polonais, Roumains ou exilés espagnols, ouvriers et juifs pour la plupart, beaucoup n'ont pas 20 ans. Mais tous se lancent dans la bataille avec un courage sans faille, multipliant les exécutions ou les sabotages, prêts à mourir pour un pays qui n'est pas le leur mais qui a su les accueillir.Pour raconter cette « Armée du crime », comme la qualifiait la police et l'occupant, Guédiguian s'attache davantage à la vie de ces résistants qu'à leurs actions. Et c'est ce qui fait la force du film. Le réalisateur ravive le Paris populaire de cette époque, rappelle la solidarité qui régnait au sein de ces quartiers d'immigrés bientôt décimés par la Shoah. Il fouille l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus beau comme de plus abjecte. Avec d'un côté Missak Manouchian, impeccablement campé par Simon Abkarian, revenant avec dégoût sur le lieu de son premier attentat, conscient d'avoir franchi à jamais la frontière séparant les combattants du reste des hommes. Et de l'autre, Monique Stern, qui donne le réseau auquel appartient son amoureux et prend goût aux cadeaux du commissaire collabo qui l'a retournée. Mais c'est aussi une certaine idée de la France que convoque Guédiguian. De ce pays de liberté, d'égalité et de fraternité, hier encore perçu comme un phare pour tous les damnés de la terre. n
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