La responsabilité des dirigeants de sociétés devient encore plus exposée

Pour ne pas voir leur responsabilité personnelle engagée, les dirigeants de sociétés doivent peser de plus en plus leurs décisions. Depuis plusieurs mois, celle-ci ne fait en effet que s'accroître devant les juges. Une nouvelle étape vient d'être franchie avec un arrêt rendu le 28 septembre 2010 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Un dirigeant de société commet une faute découlant d'une infraction pénale intentionnelle. Pour la haute juridiction, cette faute est séparable des fonctions de mandataire social. Par conséquent, le dirigeant voit sa responsabilité civile engagée à l'égard des tiers (dont les clients de l'entreprise), pour les indemniser de leur préjudice.Concrètement, dans le secteur du bâtiment, une société à responsabilité limitée a réalisé des travaux de rénovation, y compris le gros oeuvre, dans un immeuble appartenant à un couple. Les travaux ont débuté la première semaine d'octobre 2000. Des malfaçons et diverses inexécutions ont été constatées. Le couple propriétaire de l'immeuble a estimé que la gérante de la société avait engagé sa responsabilité à son égard. Il s'appuie sur la décision de la dirigeante de ne pas avoir souscrit pour son entreprise une assurance couvrant la garantie décennale d'un constructeur. Après la liquidation judiciaire de la société, le couple a décidé de saisir la justice commerciale pour obtenir des dommages et intérêts auprès de la gérante. Le défaut de souscrire une assurance obligatoire constitue un délit prévu aux articles L.111-34 du Code de la construction et de l'habitation et L.243-3 du Code des assurances. Il est puni d'un emprisonnement de six mois et/ou d'une amende de 75.000 euros. Pour le couple propriétaire de l'immeuble, ce délit entraînait une faute intentionnelle de la gérante sur le terrain de sa responsabilité civile. Il demandait donc qu'elle soit condamnée à verser des dommages et intérêts. Dans un arrêt du 4 février 2009, la cour d'appel de Douai n'avait pas retenu cet argument. Selon les juges du fond, le défaut de souscription des assurances obligatoires des dommages et de responsabilité n'était pas séparable des fonctions du mandat social. Autrement dit, la responsabilité civile de la gérante ne pouvait pas être recherchée. Les juges du fond s'étaient appuyés notamment sur un arrêt du 4 janvier 2006 de la Cour de cassation. Dans cette décision, la haute juridiction avait estimé que le défaut de souscription d'une assurance obligatoire ne constituait pas une faute séparable des fonctions sociales d'un dirigeant. Contre-piedMécontent de la position des juges du fond, le couple propriétaire de l'immeuble s'est pourvu en cassation. Dans son arrêt du 28 septembre 2010, la Cour de cassation lui a donné gain de cause en prenant clairement le contre-pied de sa jurisprudence de 2006 : « Le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice. » Elle a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Douai afin que soit fixé le montant des dommages et intérêts.
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