Quand Greenpeace parle création de valeur aux actionnaires de Total...

Inquiets des dégâts environnementaux causés par l'exploitation des sables bitumineux canadiens, les militants de Greenpeace ne comptent pas prendre d'assaut la tour Total affublés de masques à gaz ou déguisés en caribous mutants. Une fois n'est pas coutume, l'ONG a choisi de sensibiliser directement les actionnaires du groupe sur un registre qui leur est plus familier : les risques financiers découlant, selon elle, de l'exploitation de ce pétrole non conventionnel. Greenpeace est pour l'occasion allé chercher le fonds d'activisme actionnarial français Phitrust Active Investors. L'objectif des deux partenaires est de déposer une résolution lors de la prochaine assemblée générale, réclamant de Total qu'il communique sur l'impact des risques environnementaux et sociaux de ses projets de sables bitumineux dans son rapport de gestion des comptes consolidés. Pour que cette résolution puisse être déposée, Phitrust doit convaincre 0,5 % des actionnaires de Total de le soutenir, et le conseil d'administration du groupe ne doit pas s'y opposer. Dans ce pays d'actionnariat mou qu'est la France, cette résolution serait la première de ce type. Ailleurs, les actionnaires de Shell, BP, Statoil, ExxonMobil ou ConocoPhillips ont tous été contraints de s'exprimer en 2010 sur des textes similaires. Partout rejetées, ces résolutions ont tout de même obtenu plus de 25 % de votes favorables chez les deux américains ExxonMobil et ConocoPhillips.Demande mondiale incertaineDans son argumentaire, Greenpeace énumère les menaces pesant selon elle sur la viabilité financière à moyen terme de ce type d'exploitation, par nature onéreuse : risques de durcissements réglementaires au Canada ou de réclamations des populations locales, incertitudes sur le maintien de la demande mondiale de pétrole (dans son scénario le plus « soutenable », l'Agence internationale de l'énergie (AIE) voit cette demande refluer après 2018). « À terme, les industries devront internaliser les coûts de leurs émissions de carbone », souligne aussi l'ONG.Gouffre en eau et en énergieComme la plupart les majors, Total a d'importants projets d'exploitation de sables bitumineux au Canada. Extrêmement visqueux, situés à de faibles profondeurs, ces hydrocarbures doivent être séparés de leur sable et fluidifiés. Cette opération, qui constitue un gouffre en eau et en énergie, est aussi fortement émettrice de gaz à effet de serre. Comparée à celle d'un baril de brut conventionnel, la production d'un baril issu de ces sables en génère de 2 à 3 fois plus, selon Total, de 3,2 à 4,5 fois plus selon Greenpeace. Mais les pétroliers soulignent que sur le cycle de vie du baril (incluant sa combustion dans un moteur par exemple), le surplus d'émissions n'est que de 5 % à 15 %. Interrogé sur la démarche de Greenpeace, Total indique que « ses projets dans les sables bitumineux font déjà l'objet de rapports publics très détaillés, disponibles sur les sites Internet de Total E&P Canada et de l'autorité canadienne de régulation ».
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