« Il faut une réforme significative dès aujourd'hui »

On peut pérenniser le système en combinant deux leviers : augmentation des recettes et allongement de la durée d'activité. »Danièle Karniewicz, présidente (CGC) du conseil d'administration de la Caisse nationale d'Assurance vieillesseLe gouvernement rend public ce lundi son document d'orientation. Vous appelez à une réforme forte. Pourquoi ? L'enjeu du financement est fondamental dès 2010 pour nos retraites. Je rappelle l'échéance potentiellement douloureuse d'octobre sur les négociations Agirc-Arrco. L'âge de départ de la retraite complémentaire est fixé à 65 ans. Il faut une réforme significative dès aujourd'hui car sinon, il y a risque que les partenaires sociaux ne bouclent pas d'accord pour permettre aux salariés de partir dès 60 ans. De facto, l'âge effectif de la retraite serait alors reporté à 65 ans ! Au-delà des postures, il faut donc être conscient qu'il est indispensable que le gouvernement prenne des mesures dès à présent.Les simulations du Conseil d'orientation des retraites (COR) ont relancé l'idée d'affecter des recettes supplémentaires aux retraites. Vous en réjouissez-vous ?Le document du COR me conforte dans la conviction qu'il n'y a pas de fatalité et que l'on peut pérenniser le système en combinant deux leviers : augmentation des recettes et allongement de la durée d'activité. Cette double action est incontournable afin de préserver le troisième levier, celui du niveau des pensions, et de permettre l'instauration d'un « bouclier retraites ». Quelles recettes supplémentaires faut-il affecter aux retraites ? Nous devons dissocier deux bases de financement. Une partie reposant sur le salaire différé, c'est-à-dire sur les cotisations salariales et patronales. Et une partie fondée sur la solidarité, assise sur une assiette plus large. Il est nécessaire d'aller plus loin que le Fonds de solidarité vieillesse, avec l'instauration d'une TVA sociale affectée à la retraite, avec une part plus forte du PIB dédiée à la retraite. Le gouvernement n'y est manifestement pas disposé. Globalement, sur le volet recettes, ses intentions ne vont pas assez loin. Faut-il faire contribuer les retraités ?Je n'y suis pas favorable. Le niveau relatif des nouvelles pensions ne cesse de baisser et les retraités ont beaucoup donné ces dernières années, notamment pour les complémentaires santé. Ils ont certes un meilleur niveau de vie que les jeunes, mais cela prend en compte leur patrimoine. Comment assurer l'équité public-privé ?Impossible de régler cela en claquant des doigts ! Aligner certains modes de calcul ne résoud rien en soi. Les différences entre public et privé sont vécues comme très injustes par les salariés du privé. Au moment où la logique d'efforts supplémentaires s'impose, il faut une vraie lisibilité sur l'impact des mesures appliquées à chacun. Ne pas diviser les Français aujourd'hui, c'est garantir un « bouclier retraite » pour le privé de façon à empêcher la baisse des rendements, et c'est travailler ? dans le temps ? à des éléments de convergence avec le public. Mais sur le sujet, je redoute les effets d'affichage...La prise en compte de la pénibilité doit-elle faire partie de la réforme ?La pénibilité est une question d'emploi et de santé au travail. Sa prise en compte et son financement relèvent d'abord des branches professionnelles. Que le gouvernement donne un cadre à cette négociation, flèche un financement complémentaire, oui. Mais cela ne peut être pris en compte par la retraite.Faut-il utiliser avant 2020 le Fonds de réserve des retraites ?Le Fonds de réserve des retraites (FRR) ne remplira jamais la mission pour laquelle il a été créé : lisser les besoins de financement après 2020. Si l'on prend des mesures aujourd'hui, elles n'auront pas d'effet complet avant 2020-2025. Elles joueront donc le rôle supposé du FRR, à sa place. Il y a ainsi une légitimité à actionner le FRR avant. Quand ? Il faut décaisser au bon moment, en termes de placement, et pas trop tôt, pour ne pas donner un signe de nature à enrayer la dynamique des mesures d'adaptation. Mais en tous cas, avant 2020, c'est certain. Propos recueillis par Stéphanie Tisserond
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