« L'État n'est pas un tiroir-caisse, il doit préparer l'avenir »

Peut-être dira-t-il qu'il n'aime pas les riches ? Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que la responsabilité se diffuse dans les établissements financiers »sur Nicolas sarkozy À davosIl faut des produits financiers sécurisés affectés à la croissance durable. Suivons le modèle du livret A, qui a permis de financer la politique du logement social »sur le financement de la nouvelle croissanceLa crise est passée par là. Mais il faut veiller à ne pas tenir un discours qui serait uniquement celui de la rigueur. Les Français doivent y trouver leur compte »sur le discours de la gaucheNicolas Sarkozy se rend la semaine prochaine à Davos. Il veut faire la leçon aux dirigeants d'entreprise sur les rémunérations, les bonus?En matière de discours, voire de diatribe, Nicolas Sarkozy est un concurrent tout à fait exceptionnel. Peut-être dira-t-il qu'il n'aime pas les riches à Davos ? Plus sérieusement, ce n'est pas la morale qui est en jeu, mais les mécanismes qui permettent de la faire respecter. Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que la responsabilité se diffuse dans les établissements financiers.Ce qui a été fait est insuffisant ?La dissuasion n'a pas été suffisante puisqu'on a appris qu'on n'avait jamais distribué autant de bonus qu'en 2009, en pleine crise. Et que les patrons du CAC 40 avaient certes réduit une partie de leur rémunération mais touchaient en moyenne plus de trois cents fois le Smic. Quant aux administrateurs des entreprises du CAC 40, ils se sont attribué, en plus de leurs salaires et stock-options, 55.000 euros en moyenne de jetons de présence.Les patrons des banques nationalisées britanniques ont été sermonnés sur leurs salaires ; en même temps, on a appris que Tony Blair gagnait comme consultant plus de 15 millions d'euros par an. Qu'est-ce qui choque le plus ?Je ne veux pas stigmatiser telle ou telle profession. Je veux un système transparent d'imposition. Un même barème, progressif, sans bouclier, sans niches fiscales. Je trouve aberrant, par exemple, qu'on invente un prélèvement sur les bonus, qui touche en fait les entreprises, alors même que les bénéficiaires des bonus vont être exonérés de tout impôt supplémentaire s'ils sont soumis au bouclier fiscal.En Allemagne, la CDU s'oppose à la poursuite des baisses d'impôts défendue par le FDP. Les Allemands sont majoritairement hostiles à ces baisses. Comment convaincre les Français que l'impôt est plus raisonnable que la dette ?Mais ils l'ont parfaitement compris ! J'en veux pour preuve la remontée du taux d'épargne, à 17 % du revenu disponible en 2009. C'est le signe que les Français anticipent un risque de baisse de leurs revenus, mais aussi que la hausse de la dette et l'explosion des déficits se traduiront inéluctablement par une augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux.Vous présentez demain le deuxième volet de votre contrat de l'après-crise : le « pacte productif ». Quelles en sont les grandes lignes ?La France ne peut pas simplement être le pays du bien vivre, ce qui ne serait déjà pas mal, et du bien consommer, ce qui serait souhaitable. Elle doit être aussi le pays du bien produire. Il faut avoir une capacité de croissance qui ne soit pas seulement adossée à l'industrie, et une croissance qui ne soit pas seulement quantitative. Il faut définir les responsabilités respectives. Les entreprises doivent être incitées à faire ce qu'il y a de mieux pour leur intérêt particulier, mais aussi ce qu'il y a de plus efficace pour l'intérêt général. Cela suppose de changer en profondeur notre système d'aide à l'économie. Il appartient ensuite à l'État de fixer les grands objectifs à moyen terme et à long terme. Il est dommage qu'il ait fallu annoncer un grand emprunt pour redécouvrir la pertinence de la planification ! Je propose aussi un contrat entre l'État et les collectivités locales pour fixer les secteurs prioritaires. Et puis le niveau des déficits oblige à aller chercher des financements dans l'épargne des ménages, avec des produits financiers sécurisés affectés à la croissance durable. Suivons le modèle du livret A, qui a permis de financer la politique du logement social.Comment la gauche peut-elle convaincre, dans une élection présidentielle, des Français qui se défient plus que jamais de la politique ?On ne peut pas laisser espérer que nous allons distribuer inconsidérément un argent que nous n'avons pas, ou augmenter substantiellement les salaires, alors que la compétition internationale fait rage. L'État n'est pas un tiroir-caisse. Il doit donner un sens, être capable aussi de préparer l'avenir : les retraites, la dette, la mutation de l'appareil productif. Et capable d'un rééquilibrage, pour créer un nouveau rapport entre capital et travail, entre les salariés et leurs dirigeants. L'État doit faire tout pour que la réussite ne soit pas une réalité pour quelques-uns mais une possibilité pour tous.Ce discours très mendésiste risque de déplaire à la gauche de la gauche?La crise est passée par là. Une partie de ce que je pouvais moi-même dire il y a trois ou quatre ans n'est plus d'actualité. Il ne s'agit plus de diriger un pays qui a une croissance de 3 %, un commerce extérieur à l'équilibre, un déficit public à moins de 2 % du PIB, un endettement inférieur à 60 %. Ça, c'était la France de Lionel Jospin. La France de Nicolas Sarkozy connaît un endettement public qui risque d'atteindre 100 % de la richesse nationale à la fin du quinquennat? Mais il faut veiller à ne pas tenir un discours qui serait uniquement celui de la rigueur. Si l'on demande aux Français de se mobiliser, c'est pour qu'ils y trouvent leur compte en termes d'emploi, de pouvoir d'achat, de garantie de leur protection sociale.Vous vous « préparez » à être le candidat des socialistes en 2012. Le fait de n'avoir jamais été ministre n'est-il pas un handicap ?J'ai été aux côtés de Lionel Jospin pendant cinq ans, en tant que premier secrétaire du PS. J'ai le sentiment que cela vaut bien quelques expériences ministérielles. Les Français veulent être sûrs que celui ou celle qui aura la responsabilité principale est capable à la fois de relever les défis qui sont ceux d'un chef de l'État et de s'entourer, de rassembler. La faiblesse de Nicolas Sarkozy ne tient pas à son son énergie, mais à sa solitude, ses foucades, ses contradictions, qui le font alterner du libéral le plus échevelé au keynésien le plus dogmatique, selon que le discours a été écrit par Guéant ou Guaino. Pour la confrontation de 2012, c'est la crédibilité de Nicolas Sarkozy qu'il faudra mettre en cause, ce qui suppose d'en avoir une soi-même. Et puis, il y a la méthode de gouvernement, qui devra être celle de la concorde plus que de la discorde. Et enfin, il faut une clarté dans la perspective.
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