Le Brésil surfe sur une croissance « chinoise »

En centre-ville, en banlieue, au coeur des favelas : depuis quelques mois au Brésil, il n'est pas un endroit où ne retentissent la litanie d'un marteau, les grincements d'une poulie ou le sifflement d'une machine à souder. Les principales entreprises du bâtiment annoncent qu'elles livreront cette année entre 30 % et 50 % d'immeubles en plus par rapport à 2009. Le gouvernement veut livrer plus d'un million de logements dans le cadre de son programme d'habitation populaire, tout en investissant des milliards de reals dans la construction de routes, ponts, et extension de ports. « On ne trouve plus de main-d'oeuvre », soupire-t-on sur les chantiers, alors que les salaires des ouvriers qualifiés s'envolent. Et le secteur de la construction n'a pas le monopole du dynamisme : après la petite récession enregistrée en 2009 (- 0,2 %), la croissance brésilienne s'emballe, au point d'être qualifiée de « chinoise ». La production industrielle a augmenté de près de 20 % au premier trimestre 2010. Le commerce compte sur une hausse des ventes de plus de 8 % cette année. Les indices de confiance des ménages et des entreprises sont au plus haut, et on n'a jamais vendu autant de voitures dans l'histoire du pays. Prudente en début d'année, la Banque Centrale table désormais sur une croissance de 5,8 %. Une hypothèse conservatrice, aux yeux de la banque d'investissement JP Morgan, selon laquelle 2010 pourrait se clôturer sur une croissance de 7 %. La forte reprise s'explique par plusieurs facteurs. Sur le marché intérieur, c'est le résultat des réductions fiscales temporaires de l'année dernière, en particulier dans l'automobile et le gros électroménager. Une politique sociale solide a aussi évité l'effondrement de la consommation des plus pauvres. Sur le terrain du commerce extérieur, le Brésil tire profit de la diversification de ses clients opérée depuis 2003. En année électorale, la dépense publique explose par ailleurs. Longtemps habitué à l'apathie, le Brésil craint de perdre le contrôle de cette euphorie. « Notre problème, ce n'est pas l'absence de croissance, mais le trop de croissance », alerte Luciano Coutinho, le président de la BNDES, la gigantesque banque publique d'investissement. La Banque Centrale a d'ailleurs récemment relevé le taux de base de 0,75 %, après 19 mois de baisse. Elle signale ainsi sa crainte d'un emballement de l'inflation, qui devrait atteindre 5,4% cette année. Le Brésil affiche ainsi le plus haut taux réel du monde, de 4,5%. La décision ne fait pourtant pas l'unanimité. Les secteurs productifs jugent que l'augmentation est surtout le résultat du lobby des secteurs financiers, dont les bénéfices augmentent à chaque hausse de taux, notamment à travers le remboursement de la dette de l'Etat. Hausse des tauxLe principale risque de surchauffe vient du faible taux d'investissement (18,5% cette année), source de goulets d'étranglement dans l'ensemble de l'économie. Mais les experts font remarquer que la hausse des taux est aussi la meilleure façon de limiter l'investissement. Placer son argent en banque devient plus rentable pour les agents privés, et l'Etat, dont la dette s'alourdit à cause du surenchérissement des intérêts, réduit aussi la voilure. Après avoir longtemps semblé incapable de dépasser une croissance de 2%, le Brésil doit désormais apprendre à vivre au-dessus de 5%, sa performance moyenne depuis 2004. Virginie Mairet, à Rio de Janeiro
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