Du Yukon à Terre-Neuve, 8.298 km de francophonie

Tout a commencé comme un jeu, un dimanche de pluie, près de Mont-de-Marsan. La famille Cassagne - Marielle, Bertrand et leurs enfants, Margaux, Camille et Mathéo - des agriculteurs qui emblavent 250 hectares de maïs dans la région, s'ennuie. « Toutes nos terres n'étaient pas bonnes, remarque Marielle, et nous pensions depuis quelques années à émigrer. » « Avec la réforme de la Politique agricole commune (PAC), tout devient de plus en plus compliqué et de moins en moins rentable, sans compter que la France, qui compte un demi-million d'agriculteurs, n'en veut plus que 300.000 », ajoute Bertrand, qui a fait dans sa jeunesse trois années d'études d'agro au Texas. Ce fameux dimanche, le couple s'installe devant l'ordinateur, et commence à chercher des terres à acheter au Canada, en Argentine, en Australie. « Mon père était agriculteur en Algérie, il a dû partir en 1962, alors l'idée d'aller dans un pays instable comme l'Argentine nous rebutait », explique Bertrand. L'Australie, alors ? Trop loin et trop désertique. C'est donc sur le Canada que le couple se concentre. Toujours par Internet et encore par jeu, Marielle et Bertrand repèrent un courtier. La famille visionne plusieurs propriétés dans diverses provinces et remplit même les formulaires. Devenir propriétaire terrien et émigrer au Canada : tout est à portée de clic. Il fallait quand même aller sur place. Saskatchewan, Alberta, Manitoba ? Les Cassagne n'ont pas d'idée précise. C'est finalement le Manitoba qui les séduit. « Nous sommes venus pour un voyage exploratoire et nous avons vu plusieurs fermes avec un courtier qui nous a plu, raconte Marielle. Finalement, après plusieurs visites, nous avons eu le coup de coeur pour la ferme que nous habitons aujourd'hui. » Quelque 650 hectares de bonne terre, achetés avec le produit de 90 hectares vendus dans le sud-ouest de la France, soit 900.000 euros. Plus un emprunt à la banque du coin, puisque la propriété vaut 2 millions de dollars canadiens (1 euro = 1,337 dollar canadien). Si la terre, au Canada, offre des rendements moindres qu'en Europe, elle est beaucoup moins chère, et surtout, elle est abondante. « Nous voulions nous assurer que nous pouvions acheter sans être accusés de léser quelqu'un », relève le couple. Mieux, « le banquier a été vraiment sympa, plus confiant qu'en France », sourit Marielle. « Et l'ancien propriétaire a même tondu notre pelouse en notre absence », ajoute son époux. Tous les voisins sont venus, parfois de loin, leur souhaiter la bienvenue. C'est seulement une fois sur place qu'ils découvrent que ce coin du Manitoba abrite aussi des francophones, tout comme la capitale, Winnipeg, avec le quartier Saint-Boniface. « Cela a été la cerise sur le gâteau », avoue l'agricultrice. Les trois enfants du couple fréquentent aujourd'hui une école francophone, à Sainte-Agathe, une petite ville à côté de Winnipeg, sur la rivière Rouge. Les Cassagne se sont bien adaptés. À eux les immenses espaces, le bleu du ciel, même en hiver, la pureté de l'air, la chaleur des relations humaines. Cette année, au début mars, ils ont ensemencé pour la première fois : du soja, de l'avoine et du colza - qu'ils appellent déjà « canola » - selon le vocable canadien...
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