« L'aide constitue une rente »

Pourquoi l'aide ne marche pas en Afrique ? Au cours des cinquante dernières années, les pays riches ont déversé 1.000 milliards de dollars d'aide à l'Afrique. Pour quel résultat ? La croissance est moins forte et la pauvreté n'a cessé de grimper. Aujourd'hui, plus des deux tiers des Africains vivent avec moins d'un dollar par jour. Les subventions des grands bailleurs de fonds, qu'il s'agisse de la Banque mondiale, des agences de développement ou encore de l'aide bilatérale, nourrit la corruption, alimente l'inflation, mine les services publics. Aux États-Unis, un slogan affirme qu'il ne peut pas y avoir d'impôts sans représentation. En Afrique, c'est l'inverse. Les populations ne sont pas représentées, car elles ne payent pas d'impôts. Nicolas Sarkozy se soucie de savoir ce que les Français veulent, car il sait que l'action de gouvernement dépend de sa capacité à lever l'impôt. Les pays africains dépendant de l'aide n'ont pas à s'inquiéter de ce que souhaite véritablement la population, puisque leurs ressources dépendent d'impôts levés à l'étranger. Que faire ? L'aide des pays riches n'a jamais permis de sortir un pays de la pauvreté. Elle est un obstacle au développement car elle constitue une rente, au même titre que le pétrole ou d'autres matières premières. C'est une incitation à ne rien faire pour améliorer l'environnement économique. Regardez le rapport annuel de la Banque mondiale « Doing Business ». Année après année, il montre que c'est en Afrique que l'environnement des affaires est le plus compliqué. Aussi longtemps que ces pays recevront de l'aide, ils n'ont aucune incitation à mettre en ?uvre les réformes nécessaires. Si l'aide est un échec, pourquoi les pays riches continuent de déverser autant d'argent en Afrique ?Il faut souligner le poids des valeurs religieuses imprégnant le champ politique. Il y a comme un impératif moral pour les pays riches à aider les pays pauvres. Or, c'est une erreur de penser que le seul moyen d'aider l'Afrique est de l'assister financièrement. Les économies africaines tireraient un bien meilleur avantage d'une ouverture du marché européen à ses produits, notamment agricoles. Mais pour cela, il faudrait revoir la politique agricole commune (PAC), ce qui aurait pour conséquence de mettre les agriculteurs dans la rue et un grand nombre d'entre eux au chômage.Que proposez-vous ? Nous disposons de trois siècles d'expérience en matière de développement économique. Nous savons désormais ce qui marche et ce qui ne marche pas. La question qui se pose aujourd'hui est comment pousser les gouvernements africains à mettre en place les bonnes politiques. Il faut donc les préparer à la fin de l'aide. Les pays riches pourraient leur proposer un doublement des subventions pendant dix ans avant d'y mettre un terme. Cela serait plus efficace que la perspective d'une aide permanente. Propos recueillis par Xavier Harel et Robert Jules Dambisa Moyo, auteure de « L'aide fatale »
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