Nicolas Sarkozy en son palais

Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu président de la République, le modèle de la nouvelle équipe qui prenait ses quartiers au palais de l'Élysée était la « dream team » du feuilleton de la chaîne NBC « The West Wing », qui raconte par le menu la vie des collaborateurs du président américain « à la Maison-Blanche » (titre français de la série). Deux ans et demi plus tard, il semble bien que les vieux fantômes de la Ve République résistent encore aux rêves étoilés.La presse bruisse jour après jour d'échos sur les disgrâces qui frappent des conseillers de l'Élysée. Et lundi, Nicolas Sarkozy s'est livré à la? deuxième véritable conférence de presse de son quinquennat à l'Élysée, devant un public sélectionné de journalistes économiques, pour éviter toute question sur l'actualité politique, à trois mois des élections régionales. Loin, bien loin de la communication prolixe de Washington?Pourtant, souligne Franck Louvrier, patron de la communication élyséenne, Nicolas Sarkozy est un hyperprésident hypercommunicant, en rupture avec la parole « rare » de François Mitterrand et de Jacques Chirac. « Pas moins de quatre conférences de presse cette semaine et une télé sur Copenhague, le président parle tous les jours et sur tous les sujets », souligne-t-il. Aux côtés de Nicolas Sarkozy depuis plus de dix ans, Franck Louvrier estime que, en matière de communication présidentielle, il a « hérité d'une Fiat 500 » et « laissera une Ferrari » à ses successeurs.« Le travail a été fortement professionnalis頻, explique-t-il. Ces derniers jours, la salle de presse de l'Élysée, qui accueille les journalistes des agences quotidiennement, et leurs confrères à chaque événement médiatisé, a été rouverte après un sérieux lifting : écrans plats de télévision sur les murs gris, portrait rétro-éclairé du chef de l'État et panneaux coulissants de verre gravés aux armoiries de la présidence de la République. Nicolas Sarkozy se veut un président branché en permanence sur l'opinion. D'où les polémiques lourdes et répétées sur le coût de sa communication. Des dépenses estimées par « Le Parisien » à 7,5 millions d'euros pour l'année 2009. Frais de sondages et Internet compris ? Nicolas Sarkozy aura un site flambant neuf en janvier et dispose déjà d'un profil Facebook (193.000 supporters) et occasionnellement d'un compte Twitter. Le chiffre a été confirmé par l'Élysée qui le rapporte toutefois à un budget global de 112 millions.Cette enveloppe comprend aussi les études d'opinion et de stratégie réalisées par deux cabinets, celui de Patrick Buisson, au c?ur de la tourmente ces derniers mois, et celui de Pierre Giacometti. Tous deux voient le président « en moyenne deux fois par mois », explique Franck Louvrier.Pour Pierre Giacometti, « les changements, les réformes se sont accélérés, les thématiques sont plus nombreuses et il est donc normal que, lorsqu'un dirigeant a besoin de comprendre l'état de la société qu'il gouverne, il ait besoin d'observer ce qui se passe ». Il insiste sur le fait que, loin de paralyser toute décision, ces études fréquentes « aident l'action ».Franck Louvrier précise que le scénario est immuable : Nicolas Sarkozy lance une idée et la teste, les experts de l'opinion n'interviennent qu'après, « jamais en amont ».Depuis deux ans et demi, tout comme le président Jed Bartlet dans « The West Wing », Nicolas Sarkozy a son homme de confiance : à Paris, Leo McGarry pourrait s'appeler? Claude Guéant. « Tout passe par Guéant », avouent en ch?ur admirateurs et détracteurs du secrétaire général de l'Élysée. Efficace et aussi fidèle que discret, ce haut fonctionnaire a été le chef d'orchestre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Il est avec Franck Louvrier, un des plus anciens collaborateurs du chef de l'État, dont il fut le directeur de cabinet au ministère des Finances puis au ministère de l'Intérieur, où il géra notamment la crise des banlieues de novembre 2005. Aujourd'hui, il effectue presque chaque week-end des missions diplomatiques discrètes au nom de Nicolas Sarkozy.Chaque matin, à 8?h?30, Claude Guéant préside une réunion de la quinzaine de collaborateurs principaux de Nicolas Sarkozy. À l'origine, c'était le chef de l'État qui dirigeait cet échange sur les priorités du jour mais il a délégué cette responsabilité au numéro deux de l'Élysée.« Le président passe de temps en temps et il appelle à chaque fois », précise Franck Louvrier.Mais du coup, Claude Guéant se voit reprocher par des collaborateurs élyséens ou des élus de la majorité de « concentrer trop de pouvoirs ».La semaine dernière, Emmanuelle Mignon, conseillère de Nicolas Sarkozy, qui avait mené la réflexion idéologique pour la campagne de 2007, a jeté l'éponge et rejoint le Conseil d'État. Elle a clairement fait comprendre qu'elle ne supportait pas la tutelle de Claude Guéant et a ajouté vouloir se consacrer au travail sur les idées, loin de l'Élysée. « Le président en a été attristé mais il est certain qu'Emmanuelle, qui est une intellectuelle, sera sollicitée dans le proche avenir », explique Franck Louvrier.La rumeur donne une autre partante. Catherine Pégard, journaliste politique au « Point », avait rejoint Nicolas Sarkozy juste après son élection. Reléguée récemment dans une annexe de l'Élysée, elle est de plus en plus critiquée. On parle donc de son départ pour EDF, où elle rejoindrait l'équipe d'Henri Proglio.Et que dire d'Henri Guaino, le maître de musique de la campagne présidentielle, orfèvre des discours sur « La France qui souffre » et l'identité nationale, dont les passes d'armes avec les autres conseillers élyséens, comme Raymond Soubie la semaine dernière, sont « fuitées » dans la presse ? Il résiste. Son bureau continue de jouxter celui du chef de l'État et certains dans la majorité le comparent à l'ombrageux et virevoltant Dominique de Villepin, qui était le seul autorisé à crier dans l'oreille de Jacques Chirac.Invité mardi sur RTL, Claude Guéant a d'ailleurs voulu minimiser les divergences entre collaborateurs du chef de l'État, assurant ne jamais avoir entendu « les portes claquer » à l'Élysée. « Il y a des personnalités différentes, avec des opinions différentes, dans l'équipe du président. Il doit se forger une conviction et les avis différents l'aident », a ajouté le secrétaire général de l'Élysée.Une vision des choses contestée par des élus UMP. L'un d'eux parle d'un « véritable système de cour » qui se serait mis en place sous l'autorité de Nicolas Sarkozy. « L'entourage, c'est la cour. Chacun organise sa survie, le flingage des copains, tout le monde essaie de se faire remarquer du président, qui n'a jamais aimé et qui aime de moins en moins être confronté à la contradiction », ajoute ce responsable de la majorité. D'autres élus de l'UMP, évoquant les « couacs » sur l'affaire Frédéric Mitterrand ou l'ascension trop rapide de Jean Sarkozy dans les Hauts-de-Seine, s'inquiètent d'une « bunkérisation » du chef de l'État. Franck Louvrier balaie ces critiques d'un revers de main. « Jamais un président de la République n'a reçu autant d'élus, explique-t-il, en citant les réunions bihebdomadaires de parlementaires et de responsables de la majorité. On entend tout et son contraire. D'un côté, il est bunkérisé et de l'autre, il y a trop de débats autour de lui. La vérité, c'est qu'il revendique sa liberté, il n'est prisonnier de personne et il assume ses décisions parce qu'il sera le seul à rendre des comptes à la fin du quinquennat. »Pour le responsable de la communication élyséenne, Nicolas Sarkozy a introduit un fonctionnement « managérial, entrepreneurial » à l'Élysée, loin de « l'énarchie » de Jacques Chirac ou du côté « plus latin » de François Mitterrand. « C'est un fonctionnement qui n'est pas hiérarchiqwue ou pyramidal. Mais le président exige de ses collaborateurs qu'ils travaillent ensemble. Il est inconcevable de venir le voir avec une idée sans en avoir discuté auparavant avec d'autres conseillers », précise Franck Louvrier, qui insiste sur une chose, le fait que le président « voit et rencontre plein de gens » hors les murs de l'Élysée.Le travail de Nicolas Sarkozy avec ses équipes se poursuit aussi lors des voyages, notamment en avion. Nourri de notes sur des sujets aussi variés que les polémiques sur Internet ou les échos dans la presse internationale de la vente des avions Rafale au Brésil, Nicolas Sarkozy « lit tout, annote et renvoie, souligne Franck Louvrier. Il n'y a pas de zones blanches dans son agenda. Il nous téléphone quatre ou cinq fois par jour ».S'il se félicite de la « professionnalisation » de la présidence de la République, Franck Louvrier reconnaît qu'il manque encore quelque chose aux hommes et femmes de l'Élysée : « réussir l'intégration totale avec les équipes du gouvernement ». « Il y a encore trop de ministres qui travaillent en solo, ce qui est normal vu qu'on a une équipe plurielle. Mais si on ne réussit pas ça, on n'arrive pas à amplifier l'action du président. »Le 28 novembre, devant les cadres de l'UMP, Nicolas Sarkozy a voulu tordre le cou aux rumeurs sur son splendide isolement. « Vous croyez que les arguments ne me parviennent pas au cortex ? Parfois les arrière-pensées sont si grandes qu'il m'arrive de les comprendre ! » a lancé le chef de l'État, tout à coup soucieux de ne pas apparaître comme le maître isolé du palais. nSarkozy a introduit un fonctionnement « entrepreneurial » à l'Élysée, loin de « l'énarchie » de Chirac ou du côté « plus latin » de Mitterrand.
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