Bollywood à la page du mariage

Une croissance soutenue. Des stars locales désormais connues dans le monde entier. Des plasticiens qui atteignent des records dans les salles de ventes internationales. Mais par quel bout prendre l'Inde de cette dernière décennie ? Peut-être par le biais du mariage, comme le suggèrent deux romans et un récit.« Une bonne épouse indienne » d'Anne Cherian (Mercure de France) et « le Bureau de mariage de Monsieur Ali » de Farahad Zama (JC Lattès) empruntent leur style à Bollywood pour parler des mariages arrangés, tandis que « Anita cherche mari » d'Anita Jain (Actes Sud, en librairie le 7 avril) renvoie à « Bridget Jones » par sa quête et son humour. Reste que ces ouvrages en disent long sur un pays en plein développement mais néanmoins arc-bouté sur ses traditions.Londonien d'adoption, Farahad Zama a choisi de situer son intrigue à Vizag, son village natal du sud de l'Inde. Et de conter, dans un style visuel visant à mettre tous les sens en éveil, les tribulations de monsieur Ali, jeune retraité reconverti en conseiller matrimonial. Ses clients ? Des parents avant tout, venus chercher de l'aide pour dénicher le gendre ou la bru idéale à leurs yeux. Un être répondant à des critères stricts de caste, de dot, de teint de peau (le plus clair possible). Car le mariage est avant tout l'affaire des familles.C'est toute l'Inde d'aujourd'hui qui défile dans le bureau de monsieur Ali. À l'exception de son fils, qui continue à se battre pour la justice sociale. Un héritier de Gandhi en somme, dans ce pays où le système de caste semble intouchable, où les pères doivent choisir entre se faire soigner et offrir un mariage à leurs filles, où les services publics sont de plus en plus défectueux et corrompus. Zama raconte tout cela l'air de rien, entre deux recettes de cuisine, et cela n'en est que plus fort.Comment ne pas penser aux derniers films bollywoodiens, façon « la Famille indienne » à la lecture du roman d'Anne Cherian ? Il est ici question d'un jeune médecin d'origine indienne installé aux États-Unis, plus ou moins forcé par les siens à épouser la jeune fille qu'ils lui ont choisie. Décidé à s'en débarrasser à la première occasion, il va néanmoins se laisser surprendre par cette dernière. Aux images et aux couleurs éclatantes des studios de Bollywood, Anne Cherian répond par une écriture imagée. Elle prend son temps pour raconter son histoire, truffée de rebondissements, même si la fin est prévisible et offre surtout une plongée au coeur des us et coutumes de son pays natal. Mais c'est probablement Anita Jain qui problématise le mieux tout cela. Née aux États-Unis, diplômée de Harvard, journaliste financière ayant bourlingué aux quatre coins de la planète, cette trentenaire décide de s'installer à New York pour trouver un mari. Avant de déchanter. Aussi part-elle tenter l'aventure des mariages arrangés à Delhi. Elle découvre alors un pays tout en paradoxe, une jeunesse occidentalisée respectant néanmoins les traditions à la lettre.De l'héritage colonial aux centres d'appels qui ont reboosté l'économie indienne, en passant par l'homosexualité ou l'explosif problème des castes, tout y passe. Avec un humour féroce. D'autant qu'il ne lui est finalement pas si facile de trouver chaussure à son pied. « L'amour est pourtant une chose simple, écrivait Kierkegaard. Mais le mariage... » Yasmine Youssi « Une bonne épouse indienne », d'Anne Cherian, Mercure de France, 468 pages, 26,50 euros.« Le Bureau de mariage de Monsieur Ali », de Farahad Zama, JC Lattès, 366 pages, 17,50 euros.« Anita cherche mari », d'Anita Jain, Actes Sud, 396 pages, 21 euros.
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