Pourquoi et comment relier les salaires aux dividendes ?

Point de vueÀ chaque époque son bouc émissaire ! Durant la crise financière de 2008, les traders et leurs bonus étaient montrés du doigt pour leurs excès. Aujourd'hui, à l'approche de la présidentielle et la nécessité de montrer même un semblant d'action pour améliorer le pouvoir d'achat, ce sont les entreprises qui distribuent des dividendes qui sont dans la ligne de mire.Sur le principe, intéresser les salariés d'une entreprise aux performances de cette dernière est de l'avis de tous une bonne chose. Ceci est déjà le cas dans un grand nombre d'entreprises dans lesquelles des plans d'intéressement sont en place à l'échelle collective mais aussi à l'échelle individuelle (bonus, augmentations, promotions...). Donc, d'aucuns seraient en droit de se questionner sur l'opportunité de relier la distribution de dividende à une quelconque compensation pour les salariés. Le pourquoi d'une telle mesure reste vague, au mieux.Étant donné la volonté politique affichée de mener à son terme cette réforme, il est naturel de se demander s'il existerait une méthode capable de limiter les effets négatifs potentiels d'une telle mesure. On pourrait imaginer le mécanisme suivant. Les apporteurs de capitaux doivent être rémunérés, et leur rémunération doit être en lien direct avec les risques qu'ils prennent. Il convient donc de définir une rémunération normale, et toute rémunération au-delà de celle-ci serait sujette à compensation pour les salariés. Ceci pourrait être, bien sûr, une incitation à distribuer un dividende juste suffisant pour la rémunération normale, mais n'est-ce pas ce qui est recherché par le législateur, à savoir éviter que les richesses ne quittent l'entreprise au détriment (éventuel) des salariés ?Le calcul d'une rémunération normale repose sur trois critères : les capitaux investis, le niveau de risque et la rémunération moyenne du risque. Pour les capitaux investis, il est commun de retenir la valeur de marché (quand elle est disponible) des fonds propres. Le problème d'une telle mesure est de rendre la rémunération trop dépendante des fluctuations du marché et même, pourquoi pas, de créer des incitations à la manipulation de cours. Une mesure raisonnable des capitaux investis serait la valeur de bilan des fonds propres avec un ajustement éventuel en fonction de l'inflation. L'avantage d'un tel choix serait d'inciter à conserver les bénéfices dans l'entreprise pour augmenter les fonds propres, et donc à consacrer moins d'argent au dividende et plus aux investissements.Comment calculer le niveau de risque de la firme ? C'est l'éternel débat dans les milieux académiques qui n'ont toujours pas donné une réponse définitive. Il convient donc d'éviter la question de la bonne mesure du risque mais d'introduire un nouveau mécanisme. Certaines années, les bénéfices (courants ou non distribués) ou les dividendes distribués pourraient ne pas être suffisants pour payer la rémunération normale. De ce fait, les apporteurs de capitaux auraient le droit de récupérer ce manque sur l'année qui suit ou les années qui suivent.Un mécanisme qui prend en compte le risque ne l'élimine pas bien sûr, et il faut donc donner une rémunération au risque. Pour faire simple, il serait astucieux de retenir un taux commun à toutes les industries. Par exemple, ce serait le taux des titres gouvernementaux à un an (taux sans risque) plus une prime de risque. Cette dernière pourrait être aux alentours de 5 % à 6 % comme ce fut le cas sur le marché américain ces dernières années.Ainsi, la rémunération normale serait à ce jour de 7 % à 9 %. Tout dividende qui représenterait une rémunération des fonds propres qui dépasserait ce taux devrait donner lieu à compensation pour les salariés. Il serait raisonnable de définir cette compensation comme une proportion de la rémunération excédentaire. Dans la logique des choses, et pour simplifier la procédure, cette compensation devrait être traitée fiscalement comme étant un dividende reçu par les salariés, avec tous les avantages fiscaux qui s'ensuivent. Ce dernier point ne devrait poser aucun souci à une classe politique si sensible à l'amélioration du pouvoir d'achat...
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