Banque de Chine : un mastodonte sous tutelle

Il y a beaucoup d'idées fausses sur la banque centrale chinoise. « Ce n'est qu'en fait qu'un comité consultatif parmi d'autres pour le Conseil d'État, et certainement pas le plus influent », commentait ainsi récemment un observateur de la banque. C'est tout le drame de la People's Bank of China (PBoC) dans les réunions internationales face à des interlocuteurs qui ne cessent de réclamer une réévaluation du yuan. La direction de la banque centrale n'a que très peu de marge de manoeuvre et elle ne peut sortir du mantra officiel : « Maintenir la stabilité de la monnaie et promouvoir la croissance économique. » En Chine même, la banque centrale doit composer entre les intérêts des gouvernements locaux, qui réclament un statu quo économique, le ministère du Commerce et défenseur de milliers de petits exportateurs et bien d'autres membres influents du Conseil d'État ou du puissant NDRC (agence de planification) qui ne veulent pas sacrifier des points de croissance pour changer un modèle qui a fait ses preuves. « La PBoC est prisonnière d'une politique de croissance à tout prix. Cela fait des mois qu'elle réclame un taux de change plus flexible, sans pour autant avoir beaucoup d'impact au niveau du Conseil d'État », analyse Patrick Chovanec, économiste et professeur à l'université de Tsinghua.À la tête de la PBoC, Zhou Xiaochuan gouverne et essaye de faire passer ses idées sans dévier de la ligne officielle. Avocat depuis toujours d'un système de change plus flexible, c'est le plus réformateur des membres du Conseil d'État. Plus technocrate que politicien, il est très respecté et apprécié à l'étranger pour être l'allié le plus apte à faire bouger la Chine. Cette complicité apparente avec l'Occident le dessert néanmoins en Chine où il est accusé d'être trop proche des thèses libérales. C'est souvent à travers le très respecté « comité de politique monétaire », un « think tank » « indépendant », que la banque centrale arrive cependant à faire passer quelques idées audacieuses. À titre d'exemple, Yu Yongding, membre de l'Académie des sciences, a récemment défendu dans le « Financial Times » la thèse d'une croissance économique plus faible au profit d'un recentrage de l'économie sur la consommation intérieure.Au-delà de ces tentatives pour influencer les esprits, la banque centrale ne prend aucune décision. Elle se contente de les exécuter. Elle ne peut que suggérer, espérer se faire entendre au Conseil d'État et prier pour qu'un ministère plus puissant ne vienne pas balayer ses arguments.C'est bien peu pour une banque centrale qui affiche quelque 2.600 milliards de dollars de réserves. Pour maintenir sa parité avec le dollar, elle achète massivement des billets verts qu'elle « neutralise » en émettant en contrepartie des obligations. « La PBoC n'est qu'une énorme machine à stériliser », résume un observateur. Elle doit jongler entre le taux très bas des obligations américaines tout en rendant attractives celles qu'elle émet au profit des banques commerciales. « Cette mécanique l'incite à mener une politique de resserrement perpétuelle », analyse Patrick Chovanec.Le deuxième rôle de la banque centrale est de fixer les quotas de crédits des banques commerciales, et par conséquent, de contrôler la masse monétaire. Et c'est en faisant sauter les quotas d'un commun accord avec les autres agences du gouvernement en 2009 qu'elle a permis aux banques d'injecter 1.000 milliards de yuans dans l'économie. Et le premier quota fixé en début d'année de 5.000 milliards a été dépassé presque instantanément. Officiellement, elle mène pourtant « une politique monétaire accommodante », comme elle l'a elle-même théorisée.Quand elle tire la sonnette d'alarme, à la mi-2009, sur les créances douteuses, elle s'est heurtée à la politique qu'elle avait elle-même participé à mettre en oeuvre. Les gouvernements locaux, toujours incités à dépenser, ont créé des véhicules d'investissement - près de 8.000 à ce jour - pour contourner le coup de frein des banques en matière de crédit. L'économiste Victor Shih estime ainsi que les dettes atteindront 3.500 milliards de dollars à la fin de 2011, soit 97 % du PIB.Ce n'est que début 2010 et après avoir évalué les dégâts estimés à 7.000 milliards de yuans (estimation très basse) que la banque centrale commence à imposer des ratios des réserves obligatoires plus élevés. Depuis, elle a réinstauré les quotas et élevé le ratio des réserves quatre fois avec des résultats mitigés sans pour autant renoncer dans le discours à ligne expansionniste qu'elle s'est fixé. Pour le moment, elle a bien du mal à arrêter la machine. Au deuxième trimestre 2010, les banques auraient autant prêté via leurs véhicules que par leur bilan. Mais dans les méandres du système, la banque centrale tente de jouer un (petit) rôle dans la réforme du système. Elle a lancé elle-même en 2008 ses obligations à long terme, camouflées sous le vocable « commercial paper », pour aider les entreprises. Elle oeuvre également pour l'internationalisation de la monnaie. C'est elle qui est derrière la directive qui permet l'émission des obligations en yuans à Hong Kong ou encore celle qui prévoit des opérations de swaps en yuans entre les banques centrales. Le but à terme est d'introduire plus de dynamique de marché dans l'afflux de capitaux en Chine.Dernier chantier en cours, elle planche sur une réforme des taux des dépôts. L'idée serait de laisser les banques fixer le taux plafond dans une bande de fluctuation. Il est imposé actuellement par la PBoC. Cette réforme reviendrait à éliminer l'écart garanti entre taux de crédit et de dépôt qui permet actuellement aux banques de générer leurs profits. La proposition doit encore arriver au Conseil d'État où elle doit passer un premier examen avant d'être discutée par les membres. Il se peut qu'elle ne soit jamais validée. Comme beaucoup de réformes proposées par la banque centrale.Virginie Mangin, à Pékin
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