Le renard celtique et les poules

Dans un roman britannique célèbre, le héros voit avec terreur son portrait se déformer, à mesure que transpirent les vices de son âme. Tout comme Dorian Gray, l'union monétaire révèle lentement ses vices de construction, alors que la crise bancaire et financière progresse. Lorsque la croissance était là, l'euro a permis à chacun de poursuivre ses travers en toute impunité. La Grèce trichait sur ses comptes, l'Espagne a tout misé sur la bulle immobilière, la France s'est lourdement endettée pour financer un modèle social délirant, l'Irlande pratiquait le dumping fiscal et a transformé ses banques en gigantesques hedge funds. Tout cela dans l'impunité la plus totale. Grâce à la garantie de l'une des meilleures signatures au monde, celle de Berlin, qui avait acheté ainsi l'accord de ses partenaires pour réunifier les deux Allemagnes.Et voici que la crise arrive. Une à une, les supercheries sont démasquées. Les marchés s'affolent, les coupables sont menacés de ruine. Et pourtant, on les sauve une fois encore, par crainte de la contagion qui pourrait emporter toute la finance européenne et mondiale : la Grèce hier, l'Irlande aujourd'hui, demain le Portugal et l'Espagne, peut-être l'Italie, pourquoi pas la France. L'Europe monte un échafaudage de prêts laborieux et complexe, qui dissimule encore une fois l'axiome fondamental de l'union monétaire européenne, sa constitution - l'Allemagne paiera.L'interdépendance monétaire avait permis aux mauvais gestionnaires de prospérer, elle les protège aujourd'hui de la faillite : quel sinistre bilan que celui de l'euro, dix ans après sa mise en oeuvre ! Le sauvetage de l'Irlande s'annonce comme un chef-d'oeuvre de bêtise - ou plutôt de rouerie, de la part de celui qu'on devrait appeler le renard celtique, plutôt que le tigre. Dublin refuse en effet d'abandonner sa souveraineté économique, en contrepartie de l'aide financière dont elle a besoin. D'accord pour toucher le chèque, mais pas question de renoncer aux politiques qui nous ont mis dans le mur, voilà le singulier message que nous adresse l'Irlande. Rétrospectivement, les banquiers de Lehman Brothers étaient de doux enfants de [email protected] François Lenglet Directeur de la rédaction
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