L'auto américaine n'est pas encore sauvée

L'introduction jeudi à Wall Street de General Motors à un prix élevé de 33 dollars par action le prouve, les investisseurs croient à nouveau dans l'avenir de l'industrie automobile américaine. Sergio Marchionne, double patron opérationnel de Fiat et de Chrysler, mise l'avenir du consortium italien sur son mariage, voire sa fusion, avec la firme d'Auburn Hills. Quant à Ford, ses derniers chiffres le montrent, il devient l'un des groupes mondiaux les plus rentables. Alors, après la pire crise qu'elle a connue depuis les années 1930 et la faillite de deux des Big Three sauvés par une piteuse nationalisation, l'industrie automobile d'outre-Atlantique peut-elle être considérée comme définitivement hors de danger ? Pas si sûr.Ford, le seul à avoir échappé à la banqueroute, semble sortir victorieux, malgré un endettement abyssal, de 26,4 milliards de dollars au 30 septembre pour ses seules activités automobiles. Il a engrangé un bénéfice net de 6,37 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de l'année, un résultat d'autant plus remarquable qu'il ne doit rien aux fonds publics. En revanche, de fortes incertitudes pèsent encore, à moyen terme, sur GM et Chrysler. GM a certes annoncé un profit net fort honorable de 4,2 milliards de dollars sur trois trimestres. Mais ce, après s'être retrouvé allégé de ses mauvais actifs, avoir supprimé la moitié de ses marques et diminué drastiquement ses effectifs avec la complicité de Washington. Le tout, sous perfusion de près de 50 milliards de dollars d'aide fédérale. L'assainissement est donc en grande partie artificiel. Quant à Chrysler, contrôlé par Washington et Fiat qui a pris 20 % de son capital, il reste dans le rouge. Même si sa perte nette s'est réduite à 84 millions de dollars au troisième trimestre.Les trois américains bénéficient incontestablement de la reprise de leur marché intérieur, qui devrait atteindre les 11,5 millions d'unités en 2010 et 13,2 millions en 2011, selon GM. Mais la firme du Michigan doute, comme ses rivaux, que le marché retrouve un jour les niveaux passés, de 16 ou 17 millions de véhicules. Dès lors, cette croissance a quand même ses limites.Dans ce contexte, Ford, qui profite d'une gamme de véhicules beaucoup plus attractifs que ses deux compatriotes, regagne du terrain aux États-Unis, où ses ventes se sont envolées de 21 % sur dix mois pour un marché en hausse d'un peu plus de 10 %. Chrysler aussi, puisqu'il a progressé de 16,5 %. Mais GM n'a augmenté ses volumes que de 5,7 % et continue donc de réduire sa part de marché. Fâcheux. Il est vrai que ses nouveaux modèles sont rares, comme l'attestent la pauvreté et la tristesse de ses stands au salon de Los Angeles qui vient d'ouvrir ses portes.Hors des États-Unis, en revanche, GM apparaît comme le mieux implanté des trois américains. Il est le premier acteur en Chine (à égalité avec Volkswagen) et le troisième au Brésil. Il dispose en outre d'une solide base en Corée avec sa filiale GM Daewoo qui développe et produit une partie de ses Chevrolet à bas coûts. Mais il lui reste un gros point faible, l'Europe, où GM demeure structurellement déficitaire. De son côté, Ford est moins présent en Chine ou en Amérique du Sud et reste absent de Corée. Mais ses activités européennes sont bien plus solides que celles de GM. Quant à Chrysler, qui écoule plus de 90 % de ses véhicules en Amérique du Nord, il n'a, lui, qu'une présence symbolique en dehors. C'est même son talon d'Achille. Évidemment, il compte sur Fiat pour lui ouvrir les marchés extérieurs. Mais, si ouverture il y a, elle ne sera pas pour tout de suite.Concernant la compétitivité des sites de production, les dernières études du consultant Harbour classent désormais honorablement GM et Ford. Mais pas Chrysler. Les enquêtes sur la qualité-fiabilité des produits démontrent également les énormes progrès de GM et surtout de Ford, Chrysler demeurant en revanche ici aussi à la traîne.Enfin, si GM et Ford ont la taille critique à l'échelle mondiale, ce n'est pas le cas pour le plus petit des Big Three, qui vise des économies d'échelle, pas évidentes, avec Fiat. Mais le premier véhicule sur une plate-forme commune n'arrivera pas avant 2012, les synergies ne montant réellement en puissance qu'en 2013.Bref, ce n'est pas gagné pour les constructeurs américains. Même pour Ford, le moins fragile des trois, certes, mais qui se retrouve aujourd'hui relativement isolé sur le plan international, après avoir revendu ses marques étrangères Land Rover, Jaguar, Volvo et distendu ses liens avec le japonais Mazda.Par Alain-Gabriel Verdevoye journaliste à « La Tribune »
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