Thibaut Cuisset, une France tranquille

En apparence, tout paraît banal, si ce n'est qu'il n'y a dans ces paysages aucune présence humaine. La nature. Rien que la nature. Mais une nature sous une lumière étrange, zénithale, qui élimine les ombres et donne un sentiment d'éblouissement. Une atmosphère immémoriale, un peu comme ces peintures de Giotto et de Piero della Francesca, où tout semble être à la naissance de l'humanité.Thibaut Cuisset aime la nature. Celle qui s'apprête souvent à disparaître, à s'estomper dans l'oubli. Les couleurs, des camaïeux surtout, y sont douces comme un regret, jamais heurtées. Et le silence pénètre le regard. Oui, c'est d'abord le silence qui surprend dans les photographies de Thibaut Cuisset, lauréat du prix de photographie de l'Académie des beaux-arts Marc Ladreit de Lacharrière 2009, exposées pour quelques jours encore à l'Institut mais aussi à Paris Photo sur le stand de la Galerie Les Filles du Calvaire qui le représente. C'est dans les années 1980 que Cuisset est venu à la photographie. D'abord par le biais du reportage. Pour s'apercevoir que le voyage lui permet de rester « en état de découverte ». Alors, il s'attache très vite à articuler le plus précisément possible un sujet, des lumières et certaines couleurs, s'arrangeant pour que ses images ne basculent jamais totalement dans la photographie documentaire, ni dans la photo plasticienne.Depuis une vingtaine d'années, travaillant à la chambre, il a sillonné la terre. Du Maroc au Japon où il a immortalisé des espaces intermédiaires entre campagne et banlieue, en passant par la Namibie et son désert, l'Islande ou la Syrie. Puis la France, la Bretagne, le Pays de la Loire, la Normandie. La rue de Paris à Montreuil, aussi, ce qui lui a permis de se confronter pour la première fois à la figure humaine. Et pour l'exposition de l'Institut, l'Ardèche ou la Haute-Loire.Thibaut Cuisset ne s'arrête pas aux paysages « exotiques », où qu'il soit. Bien au contraire, il capte un esprit des lieux. Pas d'anecdote ni de pittoresque dans ses photos. Une évidente simplicité. C'est en cela qu'elles troublent. Aucune nostalgie non plus ni un éloge de la campagne.Pour lui, photographier la campagne française c'est aussi une manière de s'interroger sur le monde. Ses changements, son évolution. La France, il la sillonne parfois pendant un an pour s'imprégner des paysages qu'il rencontre pour révéler leur propre vérité. Tout en laissant de côté la campagne urbaine. « Mon approche est faite d'errance », dit-il.Ce n'est pas pour autant que Thibaut Cuisset est un entomologiste à la manière d'un Raymond Depardon. C'est plutôt une poésie qui l'habite. Ainsi passe-t-il d'un paysage de neige à des champs jaunes qu'anime l'été, de quelques toits de village aux brumes d'une vallée.Pour cet ancien pensionnaire de la villa Médicis, ses photographies, c'est « sa manière de dire le monde ». Transcender le réel par la simple force du regard. Intimiste. Être présent d'une saison à l'autre pour choisir en toute liberté. Une liberté qui donne toute sa puissance à ses photographies.Institut de France, Académie des beaux-arts, 27 quai Conti, Paris 6e, tél. : 01.44.41.43.20, jusqu'au 21 novembre. www.académie-des-beaux-arts.frLes photos de Thibaut Cuisset sont disponibles à la Galerie Les Filles du Calvaire, 17, rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris. Tél. : 01.42.74.47.05. www.fillesducalvaire.com
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.