Taxe carbone  : stop ou encore  ?

Après la décision du Conseil constitutionnel, parfaitement justifiée juridiquement et matérielle ment, l'instauration effective d'une taxe carbone est en débat, car elle appelle la réponse claire et cohérente à trois questions de fond que le gouvernement ne veut et ne peut trancher. La contribution carbone est-elle ou non un impôt ? La réponse est, sans équivoque, oui. Elle apparaît comme le premier acte d'une véritable fiscalité verte conçue comme substitut à la fiscalité sur le travail. On ne peut que s'en réjouir. Mais si la taxe est un impôt, il faut qu'elle en respecte les caractéristiques ; elle ne peut simultanément être versée au budget général et servir d'alimentation à un fonds dédié à la reconversion vers une économie sobre. Elle doit de surcroît répondre au principe de la justice et de l'égalité fiscale. À mes yeux, la contradiction doit être tranchée clairement entre impôt et contribution reversée. En attendant l'émergence d'une réelle fiscalité verte qui devrait s'étendre à tous les champs de l'utilisation des ressources collectives et frapper toutes les formes de pollution, une solution intermédiaire pourrait consister en l'affectation temporaire, par dérogation à la règle de l'universalité budgétaire, à un fonds spécifique, pour la transition vers une économie décarbonée, qui pourrait être abondé par une taxe sur la rente pétrolière. Le secteur industriel doit-il payer ? Les lobbys avaient obtenu que l'industrie soit totalement dispensée puisque soumise aux quotas d'émissions, à ceci près que leur allocation initiale est gratuite jusqu'en 2013. L'inéquité et l'inefficacité du système, au détriment des consommateurs, ont été sanctionnées à juste titre par le haut conseil. Le Medef, qui était parvenu, en échappant à tout débat public sur le sujet, à éviter toute taxation, refuse désormais la taxe carbone. Majoritairement acquis aux industries du XXe siècle et non à celles du XXIe plus modestes et moins représentées, il poursuit une politique qui refuse la reconversion accélérée de l'industrie française en une industrie de la décarbonisation et de la sobriété, rendant ainsi plus qu'improbable une réindustrialisation de notre pays. La fiscalité verte devrait favoriser l'économie verte, en France comme en Europe où se pose la question de la taxation carbone à l'échelle européenne au moins en complément des quotas. Une taxe carbone ne doit-elle pas être imposée à nos frontières ? La réponse française doit être cohérente avec le choix européen. L'électricité doit-elle être taxée ? La réponse est, évidemment, oui, mais le gouvernement le refuse malgré un risque contentieux très fort. Il le fait pour défendre le nucléaire qui devient une plaie de l'économie française, sur le plan financier comme sur le plan industriel, en passant sous silence « la rente nucléaire » dénoncée par la Commission européenne. Ce refus de taxer l'électricité illustre le refus d'engager une réelle politique d'économie d'énergie électrique, en contradiction avec les engagements communautaires et avec les intérêts de tout le secteur industriel de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Il repousse ainsi le développement de réseaux de distribution d'électricité « intelligent » qui optimisent la production et la distribution et permettent aux consommateurs d'économiser l'énergie.Ainsi, la France affirme un modèle obsolète de centralisation énergétique, peut-être favorable aux quelques très grandes entreprises qui misent aujourd'hui sur le nucléaire, mais globalement très nuisibles pour toutes celles qui s'orientent vers les technologies propres et plus généralement encore aux contribuables et consommateurs sommés de financer des choix industriels contre-productifs. Ce refus d'intégrer l'électricité passe par ailleurs sous silence la « rente nucléaire » que dénonce la Commission et à laquelle s'était attaqué le rapport Champsaur. Or, le fait de sortir du champ de la taxe, l'électricité ne fait que renforcer une situation très contestable d'EDF qui ne bénéficie en rien aux consommateurs français et va irriter davantage ceux qui considèrent qu'on ne peut invoquer la concurrence de manière univoque, simplement quand elle vous est favorable.Faute de trancher clairement sur ces trois questions qui mettent en lumière les contradictions insoutenables de la politique française, la taxe carbone n'est pas encore sur les bons rails. nPoint de vue Corinne Lepage Eurodéputée, ancienne ministre de l'Environnement
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