À partir de 2011, nous refuserons les hausses générales d'impôt

« Notre stratégie est claire et cohérente, a dit Nicolas Sarkozy en conclusion de la deuxième session de la conférence sur le déficit, le jeudi 20 mai. À partir de 2011, nous refuserons les hausses générales d'impôt. » Une phrase qui fait écho, sans la reprendre expressément, à celle prononcée le 27 mars 2009 par ce même président, pour clore le débat au sein de sa majorité sur la nécessité d'un aménagement du bouclier fiscal : « Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts, moi. »Seulement voilà, si la nouvelle déclaration présidentielle est au futur, c'est précisément parce que, comme le rappelle le président de la commission des Finances de l'Assemblée, Jérôme Cahuzac (PS), le gouvernement a créé depuis 2007 de fort nombreuses taxes, allant jusqu'à taxer les « poissons, les crustacés et les mollusques » : En année pleine, il y en a même pour 5 à 6 milliards d'euros de plus par rapport à 2007, calcule Jérôme Cahuzac. Et en 2010, « pour financer la réforme des retraites, il s'apprête à taxer à nouveau les revenus du patrimoine ainsi que les ?hauts revenus? du travail qu'il définit comme tels à partir de 6.500 euros par mois pour un foyer fiscal de deux actifs ayant deux enfants à charge », selon Jérôme Cahuzac.Mais surtout, en ancien directeur du Budget dans le gouvernement Balladur de 1993 à 1995, le président sait que l'univers fiscal est si riche en procédés créatifs que l'on peut augmenter les recettes fiscales tout en refusant « les hausses générales d'impôt ». « Le gouvernement n'étant pas en mesure de rééquilibrer le budget par la seule réduction des dépenses, nous ne pourrons échapper aux hausses d'impôt, décrypte l'ancien ministre de l'Économie et des Finances, Michel Sapin. Mais nous ferons en sorte qu'elles ne soient pas interprétées comme étant des hausses générales. » On le comprend : la notion de « hausse générale », qui n'est pas inscrite dans la grammaire du Code des impôts, permet une large interprétation. Comme celle-ci : Nous échapperons à une hausse qui s'impose uniformément à tous.La vérité est que la richesse sémantique de la matière fiscale est telle que l'on peut augmenter les recettes tout en affirmant haut et fort que l'on n'augmentera pas les impôts. En témoigne, l'expert Gilles Carrez, député UMP et rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale : « Il y a trois manières d'augmenter les recettes fiscales, explique-t-il : augmenter les taux d'imposition, élargir l'assiette en réduisant les exonérations diverses, ou ne pas revaloriser les barèmes. Le président, qui connaît très bien ces trois manières d'opérer, a choisi en priorité la réduction des niches fiscales, celles dont l'utilité économique ou sociale est douteuse. » Et Gilles Carrez d'ajouter : « Augmenter les ressources par des mesures d'assiette est infiniment plus intelligent que par une hausse des taux d'imposition. Cela permet d'accroître fortement les recettes, tout en affirmant que ce ne sont pas des hausses générales. » Avec un rendement très élevé : « Entre les 75 milliards d'exonérations fiscales, et les 35 milliards de dérogations sociales, la France a créé près de 120 milliards d'euros de dérogations d'assiette. Si on la réduisait de 10 %, cela permettrait d'augmenter les recettes de 12 milliards, calcule Gilles Carrez. En clair, résume Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, « si vous devez augmenter vos recettes, selon que vous soyez socialiste ou UMP, vous le présenterez comme une hausse d'impôt ou comme une baisse des dépenses fiscales ». nAnalyse Valérie Segond Éditorialiste à « La Tribune »Chaque semaine, « La Tribune » décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.
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