« La convergence fiscale, c'est le chemin à suivre »

STRONG>Vous dévoilerez les résultats 2010 de BASF le 24 février. Seront-ils conformes à vos dernières prévisions ?Nous avons pour l'année 2010 annoncé des records, tant en chiffre d'affaires qu'en Ebit [résultat d'exploitation, Ndlr]. Je ne peux rien vous dire sur les chiffres définitifs mais nous n'aurions jamais fait une telle annonce si nous n'en étions pas vraiment sûrs. L'année 2010 a été globalement surprenante. Souvenons-nous de l'époque à laquelle nous avons établi nos budgets prévisionnels : nous avions été très prudents dans nos pronostics. Le développement favorable de l'économie mondiale a été bien plus important que nous le pensions. Naturellement, nous avons vu que l'Asie était sortie relativement vite de la crise ; dès 2009. Mais nous n'avions pas prévu que d'autres marchés importants se redresseraient aussi rapidement.Et 2011 ?Nous faisons face à tant d'incertitudes que tout pronostic chiffré me semble difficile. Si vous m'aviez demandé en 2006 ou en 2007 de me livrer au même exercice, j'aurais pu vous répondre de manière assez précise. Nous ne bénéficions plus d'une aussi grande visibilité qu'au cours des années passées. Cela tient aussi au fait que nos clients ont modifié leur comportement. Ils commandent plus souvent et par plus petites quantités. L'heure est au court terme. Cela ne nous permet pas de formuler des prévisions solides et fiables à long terme. Nous dévoilerons néanmoins nos pronostics pour l'année 2011, le 24 février.Parlons de votre croissance externe. Après la reprise de Cognis, votre appétit d'acquisitions reste-t-il entier ?L'acquisition de Cognis a été bouclée le 9 décembre 2010. Et, puisque vous nous comparez à un industriel affamé, je vous répondrai qu'après une telle acquisition, nous sommes rassasiés. Notre priorité aujourd'hui, c'est d'intégrer cette entreprise dans BASF. Nous nous sommes fixé des objectifs très ambitieux en la matière. Nous nous donnons un an pour réussir l'intégration structurelle. Mais cela ne signifie pas que, si de vraies opportunités se présentaient sur le marché, nous les laisserions passer... Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'aucune autre grosse acquisition n'est prévue à court terme.Une étude réalisée par Ernst & Young indique que les capitalisations boursières des grandes entreprises allemandes sont plutôt faibles. Parmi les 100 plus grandes, on ne recense même pas cinq allemands. Comment l'expliquez-vous ?La capitalisation boursière est un bon critère de la taille d'une entreprise et de sa valeur. Mais je ne crois pas qu'on puisse utiliser ces chiffres pour évaluer la puissance de l'économie d'un pays. Je m'explique. BASF est le leader mondial de la chimie. Sa capitalisation boursière atteint environ 55 milliards d'euros et nous figurons au 84e rang mondial. La première entreprise allemande, Siemens, est au 44e rang de ce top 100 dans lequel figurent aussi Volkswagen et Daimler. La puissance de l'économie allemande ne repose pas sur ces quatre poids lourds, mais sur les interactions entre un tissu de grandes, de moyennes et de petites entreprises qui forment une chaîne complète de création de valeur, sur le plan industriel. Voilà pourquoi la puissance de l'économie allemande, tangible dans le panorama mondial, n'apparaît pas dans ce classement des capitalisations boursières.Les entreprises allemandes sont de plus en plus nombreuses à offrir à leurs salariés des garanties quant à la pérennité de leur emploi. BASF mais aussi Audi ou MAN ont négocié cette garantie. Pourquoi ?Fin 2009, nous avons signé un accord sur le site de Ludwigshafen, qui fait suite à celui de 2004. Il prévoit effectivement qu'il ne peut y avoir de licenciements économiques jusque fin 2015. Mais cet accord n'aborde pas seulement la question de la garantie de l'emploi. Il comprend des éléments significatifs en termes de flexibilité. Les dispositions de l'accord nous permettent de réagir aux changements sur les marchés internationaux. Cette capacité de réaction et cette flexibilité sont des atouts pour le plus grand site industriel de notre groupe.Mais si vous cherchez à fidéliser vos salariés, c'est aussi parce que l'Allemagne risque de manquer de main-d'oeuvre, non ?De quoi l'économie allemande a-t-elle besoin ? L'exploitation du peu de matières premières dont nous disposons est coûteuse. C'est un inconvénient qu'il nous faut compenser par l'innovation. C'est pourquoi, nous avons besoin de ressources humaines et de savoir-faire. Les mutations démographiques, le taux de natalité relativement faible dans notre pays nous privent d'un avantage dont nous disposions par le passé. Pour maintenir notre niveau de compétitivité, il nous faut donc faire des offres attractives à des travailleurs issus de pays tiers. Regardez la capacité des États-Unis à innover. Si ce pays est devenu leader en la matière, c'est aussi pour beaucoup grâce à la diversité d'origines de ses habitants.Le gouvernement français appelle de ses voeux une « convergence fiscale » entre la France et l'Allemagne. Paris et Berlin défendent ensemble une plus grande discipline budgétaire au sein de l'Union européenne. Qu'en pensez-vous ?Je ne peux que les soutenir, c'est le chemin à suivre. C'est grâce à la discipline budgétaire que l'euro restera stable. De même que la convergence fiscale constitue un bon rempart contre les distorsions de compétitivité entre États. Elle force les entreprises à se concentrer sur ce qu'elles doivent faire : se renforcer par leurs propres moyens, sans compter sur un coup de pouce fiscal ou monétaire. Sur le plan fiscal, pensez-vous que l'Allemagne est le modèle à suivre ?Comparer le système fiscal allemand à ceux d'autres pays du monde, cela nous emmènerait trop loin. Mais la convergence au sein de l'UE est la bonne direction à suivre.Un euro moins fort ne serait-il pas un avantage pour BASF ?L'euro évolue autour de 1,35 dollar. Cet ordre de grandeur nous convient. Depuis son introduction, l'euro est monté à 1,59 et descendu à 0,82 et durant cette décennie BASF a connu une croissance profitable.C'est quoi pour vous le modèle allemand ?Poser la question du modèle allemand, c'est s'interroger sur sa reproductibilité. Je suis très prudent. N'attendez pas de moi que je tienne un discours du type : « Les autres n'ont qu'à nous suivre. » Mais je crois que la comparaison internationale permet de repérer facilement les piliers de la compétitivité allemande : une économie sociale, une base industrielle forte, qui représente 26 % du PIB, une réelle capacité d'innovation, une vraie coopération entre les grandes, les moyennes et les petites entreprises dans la chaîne de création de valeur et un système éducatif dual.L'Allemagne et la Chine se disputent le titre de première puissance exportatrice. Que vous inspire cette réémergence de l'ex-empire du Milieu ? Certains redoutent qu'elle finisse par une guerre ?Je réfute l'expression de « guerre ». Les centres de gravité de l'économie se sont décalés ces dernières années vers l'Asie, en particulier vers la Chine. Les pays qui détiennent les plus grandes quantités de ressources naturelles sont également en train d'émerger. Comment nos pays « mûrs » vont-ils intégrer cette nouvelle donne ? Nous n'avons ni les revenus des matières premières, ni la main-d'oeuvre bon marché. Donc je n'ai qu'une réponse : l'innovation.Propos recueillis par Pierre Kupferman et Olivier Mirguet Retrouvez l'intégralité de cet entretien sur latribune.fr dès 11 heures Hans-Ulrich Engel directeur financier de BASF
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.