L'industrie nucléaire peu pressée d'établir les responsabilités

Se réfugiant derrière le manque d'informations et une nécessaire solidarité, aucun des acteurs du nucléaire (exploitants, constructeurs ou autorités de sûreté) ne se risque actuellement à remonter la chaîne des responsabilités pour l'accident de Fukushima. - Le tsunami : le seul responsable désigné officiellement. Ou plutôt, un tsunami plus fort qu'envisagé, provoquant à Fukushima des vagues de 14 mètres alors que le site était « dimensionné » pour des rouleaux de 10 mètres maximum. Et c'est cette inondation qui a mis en panne les systèmes d'alimentation électrique de secours, empêchant le refroidissement des réacteurs. Le « sous-dimensionnement », c'est pour l'heure la seule erreur reconnue par les industriels. Ils s'empressent d'ailleurs de reconnaître qu'il leur faudra « revisiter » les hypothèses qui sous-tendent leurs normes de sûreté, afin, le cas échéant, de les relever. - General Electric. Le constructeur américain a livré trois des six réacteurs de Fukushima entre 1967 et 1973, les trois autres ont été fabriqués par Hitachi et Toshiba sous licence GE. La presse américaine rappelle que ce modèle de réacteurs à eau bouillante (« mark 1 ») a été pointé régulièrement pour ses insuffisances depuis 1972 par l'autorité de sûreté nucléaire américaine. Ce même modèle équipe en effet 23 réacteurs américains. Les rapports se sont succédés, mettant en cause la résistance du caisson de confinement en cas du surchauffe des barres de combustibles. Reuters cite même un ancien ingénieur de GE, Dale Bridenbaugh, qui aurait démissionné en raison de ses doutes sur la fiabilité de « mark 1 ». General Electric s'est contenté d'indiquer qu' « il n'y a jamais eu de brèche dans le système de confinement de mark 1 pendant 40 ans ». L'enceinte de confinement des réacteurs 2 et 3 de Fukushima auraient pourtant perdu leur étanchéité, selon l'ASN. Ni GE, ni la NRC ne précisent à ce stade si la résistance de ces caissons a été renforcée dans les réacteurs existants aux Etats-Unis, et au Japon, ni dans les modèles GE plus récents. Le plus « jeune » réacteur de Fukushima (n° 6), venait de recevoir le feu vert de l'autorité de sûreté japonaise pour fonctionner au-delà de ses trente ans, le numéro 1 était en cours d'agrément pour continuer au-delà de ses 40 ans. - Tepco. Aucune voix ne s'élève officiellement pour remettre en cause la gestion de l'accident par l'électricien japonais, propriétaire de la centrale de Fukushima. « On aurait pu espérer que la reprise du contrôle se fasse plus vite », glisse néanmoins un responsable industriel français. Certains se sont interrogés sur les 24 heures qui se sont écoulées avant que Tepco ne se décide à tenter d'asperger ses réacteurs d'eau de mer, les rendant de ce fait inutilisables. Si les dissimulations ou sous estimations d'incidents antérieurs par l'électricien japonais sont connus, son expertise n'a jamais été mise en doute jusqu'à maintenant. « Tepco n'est pas un véritable exploitant. Il se contente de gérer les centrales de General Electric. Sans maîtrise de son outil industriel, il ne peut faire bénéficier son parc d'un véritable retour d'expérience », affirme aujourd'hui un expert français. Marie-Caroline Lopez
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