Goldman Sachs assailli par les régulateurs et les politiques

Régulateurs, politiques, clients et, désormais, analystes : de part et d'autre de l'Atlantique, l'étau se resserre sur Goldman Sachs, la banque la plus profitable de Wall Street. Vendredi, le gendarme des marchés financiers américain (SEC) a lancé des poursuites au civil car il accuse l'établissement d'avoir trompé certains clients institutionnels, notamment la banque IKB, basée à Düsseldorf, lors de la commercialisation en 2007 d'Abacus, un véhicule d'investissement adossé à des crédits « subprime ». Répercussions allemandesL'autorité de marché allemande, la Bafin, a depuis demandé des renseignements à la SEC sur cette affaire. Mardi, leur homologue britannique (FSA) a ouvert une « enquête officielle » car des investisseurs britanniques étaient aussi exposés à Abacus. Compte tenu de cette fronde, le Comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières (CESR) « oeuvre à la coordination » des procédures nationales. Les analystes se lâchentDepuis 2007, l'attitude de Goldman Sachs a été régulièrement dénoncée par la classe politique et les médias, déplorant que la firme soit ressortie renforcée par la crise des crédits « subprime » à laquelle elle est accusée d'avoir contribué. Mais les analystes avaient jusqu'ici salué les insolents résultats de la banque new-yorkaise. Mardi toutefois, à l'occasion de la présentation de bénéfices ayant doublé sur un an au premier trimestre, le directeur financier du groupe, David Viniar, et son directeur juridique, Greg Palm, ont été assaillis de questions virulentes : Goldman Sachs a-t-elle informé ses clients que le gérant de fonds spéculatifs John Paulson, qui avait contribué à la constitution du portefeuille de dérivés nichés dans Abacus, pariait à la baisse contre ces produits Δ L'exposition de Goldman Sachs à Abacus, qui a coûté 90 millions de dollars à la banque, constituait-elle une condition sine qua non pour commercialiser ce véhicule auprès de clients. Innocence claméeLa direction de Goldman Sachs a clamé son innocence et insisté sur le fait que ses clients connaissaient parfaitement les produits sur lesquels ils avaient décidés d'investir. Mais elle n'a pas clairement indiqué si ces clients savaient que Paulson « shortait » Abacus. Lutte au CapitoleAux États-Unis, la nouvelle « affaire » Goldman Sachs permet aux élus démocrates du Congrès et à l' administration Obama de plaider pour une réforme ambitieuse de la supervision des marchés financiers. Le camp des démocrates a en effet besoin d'au moins une voix des Républicains pour faire passer son projet. «  Wall Street et nos amis Républicains veulent apparemment maintenir le statu quo, mais celui-ci nous rend vulnérable », a appuyé Christopher Dodd, le président de la commission bancaire du Sénat.Et d'ajouter que la réforme qu'il propose n'aurait pas permis à Goldman Sachs de faire ce pour quoi la banque est aujourd'hui montrée du doigt. Ce week-end, Mitch McConnell, le leader des Républicains au Sénat, avait quant-à-lui, a accusé les démocrates de politiser le dossier. La SEC diviséeCette fracture entre démocrates et républicains s'est ressentie au sein même de la SEC. Réunis mercredi dernier pour décider des suites à donner au dossier Goldman Sachs, ses cinq commissaires n'ont pas voté d' une seule voix : les deux républicains, Kathleen Casey et Troy Parades, se seraient opposés à la plainte finalement déposée par la SEC. Sa présidente, Mary Schapiro, aurait appuyé le vote des deux démocrates, Luis Aguilar et Elisse Walter. Un employé en congès payésEn Grande-Bretagne, la FSA refuse de préciser exactement sur quoi portera son enquête dans la mesure où les faits révélés par la SEC se sont essentiellement déroulés aux États-Unis. Cependant, Goldman Sachs est homologuée en Grande-Bretagne, et Fabrice Tourre, le Français au centre de cette affaire, est basé à Londres depuis novembre 2008. L'intéressé est soutenu par Goldman Sachs, qui l'a placé en congés payés et a demandé son désenregistrement auprès de la FSA. Appel à embargoPreuve cependant que l'enquête risque d'être longue, Royal Bank of Scotland a pour l'instant décidé de ne pas poursuivre en justice Goldman Sachs. La banque, qui a pourtant perdu 841 millions de dollars dans cette affaire, attend de voir comment évolue l'enquête. C'est en débouclant une position prise par ABN AMRO, depuis rachetée par RBS que cette dernière a dégagé une perte en 2008, précise la SEC Enfin, l'affaire prend une tournure politique, à deux semaines des élections. Nick Clegg, le leader des libéraux-démocrates, a demandé à ce que le Trésor ne travaille plus avec la banque américaine. Celle-ci figure sur la liste de établissements habilités à travailler sur les emprunts d'Etat.
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