La banque star des mauvais coups

C'est une accusation régulièrement portée contre la banque dont la puissance de frappe et l'influence sur les marchés lui permettraient d'être juge et partie. De s'enrichir lors de la formation de la bulle qu'elle aura contribué à faire naître, puis lors de son éclatement qu'elle aura logiquement anticipé, voire provoqué. Ainsi, en tant que poids-lourd sur les matières premières, Goldman Sachs a souvent été soupçonné de profiter de sa vision globale du marché. En particulier sur le pétrole. Pile je gagne, face tu perdsEn 2006, la banque, qui gérait l'indice Goldman Sachs Commodity Index, a brusquement réduit la part d'un de ses composants, l'essence sans plomb, de 9 % à 2 %. Ce qui a inévitablement fait sombrer les cours du produit pétrolier. En 2007, c'est une recommandation de vendre le pétrole brut qui avait suscité des interrogations. La banque avait alors une position « courte » sur le pétrole, c'est-à-dire qu'elle avait parié à la baisse sur le baril. Elle avait besoin de voir le pétrole reculer pour déboucler ses positions. Ce qui s'est de facto produit. Enfin, le pic de 147 dollars par baril atteint en juillet a provoqué la chute d'un raffineur, Semgroup Holding, client de J. Aron & Co, la filiale de trading de Goldman Sachs. Un défaut qui aurait permis à Goldman Sachs de gagner plusieurs millions de dollars. Une main trop visible sur les marchés La décision de laisser la banque d'investissement Lehman Brothers faire faillite, le 15 septembre 2008, a provoqué un coup de tonnerre à Wall Street. Presque aussitôt, la rumeur d'un lâchage orchestré en sous-main par Goldman Sachs, via le secrétaire au Trésor de l'époque, Henry Paulson, lui-même ancien dirigeant de la banque, s'est propagée dans la sphère financière. L'annonce, deux jours plus tard, du sauvetage d'AIG par des fonds publics (85 milliards de dollars) n'a fait que conforter la suspicion. Pour l'opinion, le principal bénéficiaire de ses décisions tragiques ne pouvait être que Goldman Sachs. Ce dernier, coup sur coup, voit disparaître un concurrent sérieux et obtient l'assurance de récupérer 12,9 milliards de dollars auprès d'AIG. La pression de l'opinion a été tellement forte que le Congrès américain a dû créer une commission d'enquête pour établir les responsabilités de la débâcle financière. Avant même les conclusions, le mal est fait. Pour l'opinion, « Goverment Sachs »  a réussi à infiltrer les rouages gouvernementaux pour son seul profit. Même les États ne sont pas tabous En février 2010, le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, annonçait l'ouverture d'une enquête sur les accords passés entre la banque d'investissement et l'État grec pour l'aider à dissimuler une partie de la dette publique du pays. Pire, « la firme » est même suspectée d'avoir spéculé contre la Grèce (et donc contre l'euro) en parfaite connaissance, en tant que conseiller du gouvernement grec, de la réalité de l'endettement du pays. De révélations en révélations, l'opinion publique apprend que Goldman Sachs n'est pas la seule banque mise en cause dans ce type de montage et que les ministres des Finances de la zone euro avaient été même avertis de ces contrats de swaps tout en fermant les yeux. La cause était en effet d'importance : permettre à la Grèce, voire à d'autres pays comme l'Italie, d'entrer dans l'euro en présentant officiellement des comptes publics apurés. Mais l'affaire souligne le rôle joué par les grandes banques d'investissement au coeur même de l'appareil d'État. Trahir ses propres clients La dernière affaire des fonds Abacus risque d'être la goutte qui fait déborder le vase. Car c'est tout le système Goldman Sachs qui est mis en accusation par la puissante autorité de régulation américaine. Fait nouveau dans ce type de procédure civile, un trader de la banque est nommément visé par l'enquête. De quoi l'inciter à collaborer. Ce que l'on reproche à la banque, cette fois, est d'avoir sciemment trompé ses propres clients sur la qualité des produits qu'elle leur a vendus. Et ce, au plus grand profit d'un autre de ses clients, le fonds d'investissement Paulson, dont la banque savait qu'il comptait vendre à découvert ses mêmes produits (ou acheter des protections). La banque se défend avec force. Elle défend désormais non plus sa réputation auprès de l'opinion mais bien sa réputation auprès de ses clients. Plus grave, toute la profession redoute désormais un grand déballage. Car, bien des banques risquent aussi de se voir reprocher de telles pratiques commerciales.
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