Wolfgang Schäuble, l'Européen têtu

Wolfgang Schäuble se devait d'être l'homme du moment. Car nul autre que lui n'a eu conscience, dans la tourmente de ces derniers mois, de la responsabilité particulière de l'Allemagne vis-à-vis de l'Europe. À 67 ans, l'ancien dauphin de Helmut Kohl a retenu de son mentor cette nécessité de toujours penser en Européen et d'identifier l'intérêt de son pays à celui du continent. Au moment où le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, réclame de l'Allemagne un rôle moteur, il était donc naturel de voir le ministre des Finances fédéral prendre l'initiative d'un plan de réforme qu'il va présenter ce vendredi à ses partenaires européens. « loyal mais pas commode »Pourtant, cet esprit européen, Wolfgang Schäuble aurait pu le payer fort cher. En février, il s'était opposé à l'intervention du FMI dans le cas grec. « Les problèmes de l'Union européenne doivent être résolus par l'Union européenne elle-même », avait-il alors déclaré. Début mars, il avait logiquement repris à son compte le projet de Fonds monétaire européen afin d'assurer une solidarité européenne sans transiger sur la responsabilité des pays membres. Mais cette vision européenne gênait la stratégie d'alors d'Angela Merkel, obsédée par les enjeux nationaux et électoraux. Celui qui se définit lui-même comme « loyal, mais pas commode », est donc rentré dans le rang. Tout en défendant l'obligation constitutionnelle qui était faite à l'Etat fédéral de réduire son déficit. Son argument principal : si l'Allemagne ne fait pas cet effort, l'Europe perd son seul pôle de stabilité, le seul pays en qui les marchés ont réellement confiance. Et dès lors, c'est l'aventure de l'euro qui s'achèverait. La consolidation budgétaire est donc une affaire européenne. Là encore, le discours a fait grincer bien des dents. Du coup, lorsque Wolfgang Schäuble a été une nouvelle fois hospitalisé, le 8 mai dernier, la presse a pensé qu'Angela Merkel allait saisir cette occasion pour le remercier. C'était sans compter avec le pragmatisme de la chancelière. Désormais débarrassée du poids de l'échéance électorale de Rhénanie du Nord Westphalie, elle a reconnu les mérites de son ministre des Finances. Aussi a-t-elle renoncé aux baisses d'impôts et accéléré le processus de régulation réclamé par Wolfgang Schäuble. Car le coeur de la pensée de ce protestant badois, c'est la responsabilité. D'où le refus à la fois des excès spéculatifs à courte vue et des folles dépenses de l'Etat-providence. Finalement, Wolfgang Schäuble veut une Europe à son image : modérée, responsable et capable, comme lui après l'attentat qui le paralysa en 1990 et l'affaire de corruption qui le contraignit en 2000 à laisser la direction de la CDU à Angela Merkel, de ne jamais abandonner.Romaric Godin, à Francfort
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