Courant nauséabond

C'est donc aujourd'hui que commence un procès exceptionnel à tous égards : celui de l'affaire Clearstream. Jamais on n'a vu un ex-Premier ministre au banc des accusés et un président de la République en exercice comme partie civile. Les plus grands avocats de la place vont se retrouver à plaider dans une salle? où fut condamnée Marie-Antoinette. Mais, au final, qui aura la tête tranchée ? Personne ne peut même dire si l'on parviendra à un début de vérité dans cette affaire qui comporte tant de zones d'ombre et de portes dérobées. Pour certains, il faut y voir une sombre vendetta industrielle au sein de sociétés versées dans les contrats d'armement à l'exportation avec leurs juteuses et opaques commissions : l'ex-Thomson-CSF devenu Thales et EADS, le groupe européen d'aéronautique, d'espace et de défense, maison mère d'Airbus. Pour d'autres, il s'agit surtout d'une affaire politique dans laquelle s'affrontent depuis la fameuse élection présidentielle de 1995 les deux camps de la droite de ces dernières années : celui des chiraquiens, avec leur premier lieutenant Dominique de Villepin, et celui des Balladuro-Sarkozyste avec à leur tête l'ex-bras droit devenu imperator, le président de la République lui-même. Clearstream veut dire littéralement « courant clair » : c'est pourtant l'opacité qui règne en maître dans cette affaire dont le nom ? au départ celui d'une chambre de compensation bancaire sise au Luxembourg ? est désormais célèbre mais le contenu quasi incompréhensible pour les profanes. Résumons-le en quelques mots : il s'agit du détournement de fichiers de comptes bancaires auxquels ont été ajoutés des noms pour faire croire que certaines personnalités de la politique, de l'industrie et même du « show-biz » (la top-modèle Laetitia Casta ou la chanteuse pour adolescents Alizée !) avaient touché de l'argent venu de commissions versées lors de contrats de vente à l'étranger d'armement français, notamment de frégates militaires dernier cri à Taiwan. Qui a ajouté ces noms ? Dans quel but ? En une fois ou en plusieurs fois ? dans le but d'abord d'une vengeance précise puis en élargissant la falsification pour noyer le poisson ? Ce plongeon dans le courant nauséabond des arrière-cours de la République risque en tout cas de ne pas profiter à grand monde. Dominique de Villepin va devoir se battre contre l'image d'une man?uvre de bas étage contre Nicolas Sarkozy. Ce dernier risque lui aussi d'être critiqué pour vouloir faire pression sur la justice afin qu'elle le venge. [email protected] olivier provost
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