La Réserve fédérale, dernier rempart contre la reprise molle

Une reprise qui s'essouffle, un taux de chômage qui progresse, des saisies immobilières qui se multiplient?: le tableau conjoncturel, aux États-Unis, est pour le moins sombre, les trois phénomènes s'alimentant mutuellement, qui plus est. Pis encore, les nouvelles initiatives gouvernementales visant à redynamiser l'économie pourraient rester lettre morte?: non seulement le Congrès est divisé et rechigne à creuser un peu plus un déficit budgétaire déjà abyssal, mais en plus, il sera quasiment à l'arrêt jusqu'aux élections législatives du 2 novembre prochain, une partie des élus étant en campagne. Difficile, donc, dans l'immédiat, de compter sur quelques milliards de dollars supplémentaires pour relancer l'activité, par le biais d'une enveloppe de 50 milliards de dollars afin de réhabiliter les routes, les voies ferrées et les aéroports sur six ans, d'un crédit d'impôt recherche ou d'un autre avantage fiscal pour les investissements en capital et en équipement, même si le Sénat a finalement adopté en fin de semaine dernière un texte établissant un fonds de 30 milliards de dollars en direction des banques locales, afin de faciliter les prêts aux PME. Une fois le Congrès de nouveau en activité, les choses risquent de se compliquer encore plus. Si le Sénat pourrait, à l'issue du scrutin, conserver une majorité démocrate, la Chambre des représentants, devrait, elle, passer aux mains des républicains. À moins que les deux Chambres ne changent de camp... Totale ou partielle, cette cohabitation n'ira pas dans le sens du passage rapide d'un nouveau train de mesures visant à doper l'économie - s'il y parvient. Le précédent plan de relance, d'un montant pourtant record de 787 milliards de dollars, a permis d'éviter le pire - autrement dit, une récession prolongée, mais n'a pas réussi à sortir définitivement l'économie de l'ornière. « Les nouvelles initiatives de l'administration ont un effet négligeable sur notre pronostic de croissance », note à cet égard Ethan Harris, chef économiste à la Bank of America Merrill Lynch et « Fed watcher ». Trop minces pour créer un électrochoc. Le pronostic de l'institution de Wall Street?? Une croissance de 1,8 % au troisième trimestre et de 1,5 % au dernier... Celui du Credit Suisse est quelque peu plus optimiste, avec 2 % au troisième trimestre et 2,2 % au quatrième. Les économistes ont en tout cas tous révisé à la baisse leurs prévisions pour la deuxième moitié de l'année.Dans ces conditions, pour les experts comme pour les quelque 15 millions de chômeurs, il ne reste qu'un seul espoir?: la Réserve fédérale. La pression monte pour qu'elle agisse. Pourtant, alors qu'elle tient ce 21 septembre un conseil de politique monétaire (FOMC), personne ne s'attend à une révolution. À peine devrait-elle être plus prudente dans son appréciation de la croissance à venir. Aucun expert n'envisage qu'elle s'embarque dès maintenant dans une nouvelle politique. Elle a déjà fait beaucoup et tiré toutes ses cartouches traditionnelles, reflux des taux d'intérêt en tête. Les taux directeurs se situent, depuis le 16 décembre 2008, dans une fourchette de 0 % à 0,25 %, un plus-bas historique. Cela dit, Ben Bernanke, le président de la Fed, a assuré, à l'issue du symposium annuel des banques centrales de Jackson Hole, à la fin août, être prêt à agir « surtout si les perspectives de croissance venaient à se détériorer de façon significative ». Pour l'heure, cependant, il estime que l'économie va « continuer son expansion sur la deuxième moitié de l'année, même si c'est à un rythme modeste, avant d'accélérer de nouveau l'an prochain ».En fait, « ce n'est pas la croissance molle qui incitera la Fed à agir, mais le taux de chômage », prédit Dana Saporta, économiste au Credit Suisse. Ben Bernanke n'a-t-il pas lui-même déclaré qu'un taux de chômage élevé pourrait étouffer la croissance, en affectant les revenus des ménages et leur confiance?? Sans oublier la double mission de la Fed?: au contraire de la Banque centrale européenne, elle doit s'assurer que l'inflation reste contenue, mais aussi soutenir le plein emploi. Or les économistes sont pessimistes quant à l'évolution du marché du travail. Plus de 8 millions de postes ont été détruits depuis le début de la crise. Le taux de chômage, à 9,6 % actuellement, devrait rester figé sur ces niveaux jusqu'à la fin de l'année. De même, il ne devrait refluer qu'à 8,9 % à la fin 2011, prédit le Credit Suisse.La Fed a elle-même dessiné les contours de la politique qu'elle pourrait mener à l'avenir. Difficile de poursuivre le mouvement de baisse des taux courts. Non seulement ils sont proches de zéro, mais en plus, un recul supplémentaire pourrait, de l'avis des experts, perturber le marché monétaire. La Fed doit donc agir indirectement sur les taux longs, afin de faire baisser entre autres ceux à 30 ans, qui servent de référence pour les emprunts hypothécaires. Pour cela, elle devrait acheter des actifs, dont des obligations du Trésor, pour des montants de l'ordre de 300 à 500 milliards de dollars dans un premier temps, « sans doute à la fin de l'année ou au début de celle qui vient » - prévoit l'économiste du Credit Suisse. Pas avant, parce qu'il n'y a pas réel péril en la demeure, à moins que la conjoncture ne se détériore encore. De plus, si la Fed agissait dès son conseil suivant, qui tombe les 2 et 3 novembre prochain - soit en plein scrutin électoral, elle se trouverait dans une position ambiguë, trop liée au fait politique. Cette manoeuvre, dite de « quantitative easing », qu'elle avait déjà utilisée à partir de mars 2009, en achetant un total de 1.750 milliards de dollars d'actifs, dont 300 milliards d'obligations du Trésor, aurait la vertu de relancer l'activité, en particulier sur l'immobilier, et par là même, de doper la reprise et les créations d'emplois. C'est en tout cas l'espoir de la Fed. Toutefois, Ben Bernanke a prévenu à Jackson Hole?: « Il faut plus d'un acteur pour venir à bout de la situation actuelle. » Autrement dit, le Congrès devra offrir une stimulation fiscale, tout comme le gouvernement poursuivre ses initiatives en faveur d'une relance.Lysiane J. Baudu Mardi prochain?: la Banque centrale européenne.
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