Pourquoi l'Allemagne pourrait aussi perdre son triple A

Outre le fait que cette deuxième dégradation ôte définitivement à la France sa capacité à se prévaloir d\'un triple A vis-à-vis des investisseurs, elle s\'accompagne d\'une menaçante et inquiétante perspective négative. Autrement dit, ce qui menace la France, c\'est d\'entrer dans la spirale des dégradations qu\'ont connu ses voisins méridionaux, Espagne et Italie. Dès lors, Paris pourrait n\'avoir d\'autres choix que d\'accélérer le pas de la rigueur, ce qui ne manquera pas de réduire à néant le dernier bastion de la croissance française, la consommation. La deuxième économie de la zone euro pourrait donc bien entrer rapidement dans une spirale récessionniste comme ces deux voisins déjà cités, ce qui, du reste, la conduirait sans doute à être à nouveau dégradée.La France fera-t-elle face ?Une France aussi affaiblie laisse désormais l\'Allemagne seule en première ligne dans la «défense de l\'euro». Il est désormais évident que la France ne peut faire face aux engagements pris pour maintenir la Grèce, le Portugal et l\'Irlande dans la monnaie unique, qui, potentiellement s\'élèvent déjà à 200 milliards d\'euros. Et encore moins si l\'Espagne, Chypre ou la Slovénie se joignent au carrousel des demandes d\'aides. Peut-être la France pourra-t-elle encore assumer les pertes sur les quelque 25 milliards d\'euros qu\'elle a prêté directement ou indirectement à la Grèce, mais ce ne sera qu\'au prix d\'une nouvelle dégradation et d\'un nouveau plan de rigueur, donc d\'un nouvel affaiblissement. Viendra alors rapidement le moment où la France ne pourra plus assumer ces engagements. Pas plus que l\'Italie, du reste. Au pire, un de ces deux pays, ou les deux pourraient même avoir besoin d\'en appeler au MES pour se financer et bénéficier de la protection de la BCE.Au-delà des capacités allemandesDans les statuts du FESF et du MES, les pays qui bénéficient d\'une aide sont en effet dispensés de participer aux garanties et au financement de cette aide. Le risque est donc, si la France entre dans une spirale de dégradation, que l\'Allemagne doivent seule assumer les risques liés au sauvetage de l\'euro. Mais évidemment, la république fédérale ne le peut pas. Quelle que soit sa puissance, son PIB n\'est que de 2.800 milliards d\'euros et sa dette brute atteint déjà 80% de ce montant. Sa capacité de faire plus pour sauvegarder l\'euro est, il faut bien le reconnaître, extrêmement limitée. Ou pour le dire plus simplement, quasiment nulle.Affaiblissement conjoncturelD\'autant que l\'affaiblissement de la France, s\'il se produit, risque encore d\'affaiblir la situation conjoncturelle allemande qui, si elle commerce de plus en plus avec les pays émergents, les deux tiers de ses exportations se dirigent encore vers la zone euro. Le ralentissement actuel de l\'économie allemande prouve encore la dépendance de la république fédérale vis-à-vis de son Hinterland continental. Si la France chute, le coup sera plus rude pour Berlin qui n\'aura sans doute d\'autre alternative que de stimuler sa demande des ménages au risque de réduire sa compétitivité externe. Un risque qui pourrait encore affaiblir à terme son potentiel de croissance et, partant, la capacité de l\'Allemagne à intervenir pour sauvegarder l\'euro.Grands moyensLe triple A allemand, déjà placé sous surveillance par Moody\'s, ne résistera pas à un tel développement. Et dès lors, le système de cavalerie financière mis en place à partir de 2010 pour faire tenir l\'édifice de l\'euro ne pourra plus que s\'effondrer. Il sera impossible à l\'Allemagne de continuer à s\'endetter davantage pour financer la dette des pays de la zone euro. Il faudra alors en venir aux grands moyens pour en finir avec ce stock de dettes accumulé.Défaut généraliséLe premier d\'entre eux sera un défaut partiel généralisé des pays de la zone euro, solution extrême qui aura l\'avantage de soulager immédiatement les Etats membres. Mais l\'accès au marché leur sera fermé pour longtemps, ce qui les contraindra à une discipline budgétaire de fer plus efficace, mais aussi plus douloureuse, que celle imposée par le pacte budgétaire. En tout état de cause, l\'Allemagne y perdrait son triple A, mais il est très peu probable que la république fédérale accepte une telle décision, si contraire à toute son histoire économique.Planche à billet ?Le second moyen - qui n\'est pas exclusif du précédent - est un financement de la dette publique des pays de la zone euro par des émissions monétaires illimitées et inconditionnelles de la BCE. La dette serait alors effacée par l\'inflation et payée en monnaie de singe. Ce serait un défaut doux. Les conséquences économiques seraient également douloureuses. Du point de vue allemand, l\'effet favorable sur les exportations lié à la chute de l\'euro serait effacé par le renchérissement des importations qui obligeraient les entreprises allemandes à renchérir les salaires et à ronger leurs marges. Là aussi, le triple A allemand serait menacé. Quoi qu\'il arrive, ce choix semble exclu par une Allemagne encore très réticente à toute politique inflationniste.Retour au mark ?Reste le dernier moyen, la sortie unilatérale de l\'Allemagne de la zone euro. Mais cette solution est loin d\'être la panacée. Que faire de la dette existante et libellée en euro? La convertir en «nouveau mark» ne servirait à rien. La laisser libellée en euro permettrait, compte tenu de la possible réévaluation forte de la nouvelle monnaie, d\'en annuler une partie. Ce serait également un défaut en douceur. Mais sera-ce suffisant? Pas certain. D\'autant que la hausse du nouveau mark risque de peser sur les exportations allemandes et d\'affaiblir son potentiel de croissance. Certes, compte tenu de la qualité de ses produits, l\'Allemagne a déjà montré, dans les années 1970 et 1980 qu\'elle pouvait faire face à des réévaluations. Mais le début des années 1990 a prouvé le contraire. Du coup, là aussi le triple A allemand risque de ne pas résister au choc.Politique à courte vue d\'Angela MerkelCe scénario est évidemment celui du pire. Mais il montre que la politique d\'Angela Merkel est une politique à courte vue qui s\'est accompagné d\'un risque immense. Le seul élément qui contient encore ce risque, c\'est la confiance. Or chaque abaissement de note par les agences réduit ce capital...
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