Les écolos  :  combien de divisions  ?

Ce jour-là, tous les participants à la réunion de l'après-midi étaient à l'heure, ce qui est déjà une petite performance. Mais personne ne voulait prendre l'initiative de donner le coup d'envoi des débats? On ne se refait pas : même s'ils ambitionnent de diriger plusieurs grandes régions après les élections de mars, au premier rang desquelles l'Île-de-France, les écologistes restent d'impénitents individualistes, hermétiques à toute hiérarchie.Il a pourtant bien fallu mettre sur pied une organisation digne de ce nom pour les élections. On ne peut pas espérer faire élire 200 conseillers avec des méthodes de boy-scout quand, en face, le PS et l'UMP ont déployé les grands moyens. Rue du Faubourg-Saint-Martin, en plein « boboland » parisien, le siège biscornu des Verts s'est transformé en QG de la campagne d'Europe Écologie, l'étiquette qui fédère tous les candidats écolos de l'Hexagone. Les douze permanents des Verts sont mobilisés pour l'occasion. Jean-Marc Brûlé, le numéro trois du parti propulsé directeur national de campagne, a embauché une quinzaine de personnes en CDD pour donner un coup de main sur le Web, la communication, le lobbying, les argumentaires, les factures? « J'ai évité de choisir des militants pour recruter des vrais spécialistes », confie-t-il. Une façon de reconnaître qu'il se méfie de l'amateurisme congénital de ses amis écolos.En revanche, sur le terrain, les 10.000 militants encartés ? 2.000 de plus en deux ans ? ainsi que les quelque 5.000 bénévoles des autres microstructures qui composent Europe Écologie sont les bienvenus pour distribuer les tracts. Officiellement, la campagne nationale coûtera 2,3 millions d'euros financés par un emprunt souscrit auprès du Crédit Coopératif. Quant aux campagnes locales, chacune ne devrait pas dépasser 1 million d'euros afin d'être juste sous le montant remboursé par l'État.Depuis qu'elle est arrivée aux affaires en 2006 dans le sillage de Cécile Duflot, la nouvelle direction des Verts s'emploie d'ailleurs à professionnaliser le mouvement. « Il a fallu mettre les gens au travail », reconnaît Jean-Marc Brûlé en s'excusant presque. « On ne peut pas rester seulement un parti sympa. On a besoin de crédibilit頻, ajoute Jean-Vincent Placé, le secrétaire national adjoint des Verts qui dirige la campagne de Cécile Duflot en Île-de-France.Pour faire comme les « grands » partis, les Verts ont désormais leur fédération d'élus, leur mouvement des Jeunes Verts, à l'image des Jeunes Populaires ou du MJS, leur maison d'édition, leur structure de commercialisation qui passe les contrats. Ils organisent également leurs « journées parlementaires » à l'automne, même si la dernière a eu lieu dans la salle des fêtes de la mairie du 14e arrondissement quand l'UMP louait le Palais des congrès du Touquet. La subvention publique de 1,8 million d'euros par an, que les Verts perçoivent depuis 2007 (le même montant que le FN et deux fois plus que le NPA d'Olivier Besancenot), permet de financer 35 % des dépenses du mouvement. Les élus versent 1,6 million prélevé sur leurs indemnités et les adhérents apportent 780.000 euros. Les Verts ambitionnent également de posséder leur fondation politique, comme l'UMP ou le PS. Une association de préfiguration de la future « Fondation pour l'écologie politique » a été créée et cherche actuellement son directeur. Le dossier de reconnaissance d'utilité publique va être envoyé à Matignon dans les prochaines semaines. Des subventions d'État sont à la clé?Si les leaders écolos ont le regard fixé sur les régionales, sans le dire ils ont l'après-élection en ligne de mire. Une nouvelle fois va se poser alors la question d'un grand parti fédérant toutes les sensibilités écologistes, en particulier dans l'optique des échéances de 2012. Au début des années 1990, Génération Écologie de Brice Lalonde et les Verts d'Antoine Waechter ont bien tenté l'aventure sans y parvenir. « L'entente des écologistes » qu'ils avaient mis péniblement sur pied n'a tenu que le temps des législatives de 1993.Aujourd'hui, la tâche semble au moins aussi complexe. Jusqu'aux régionales, l'objectif de faire aussi bien que les 16,2 % des élections européennes de juin 2009 permet de fédérer à bon compte tous les écolos. Mais ensuite, comment faire marcher du même pas la médiatique Cécile Duflot, le charismatique Daniel Cohn-Bendit, l'eurodéputée Eva Joly, l'altermondialiste José Bové, ou encore Jean-Paul Besset, le secrétaire général de la Fondation Hulot, sans parler de l'ancien leader des Verts, Antoine Waechter et son microscopique Mouvement écologiste indépendant ? La première revendique clairement l'ancrage à gauche des Verts alors que « Dany le Rouge » n'a plus de rouge que le surnom depuis qu'il flirte avec François Bayrou. En octobre, de l'hôpital où il avait été admis pour une opération de la hanche, l'ancien soixante-huitard a trouvé le temps d'adresser un mail à ses amis dans lequel il s'en prenait « au sectarisme des Verts ». Ambiance?François de Rugy, l'un des trois députés Verts, défend également l'alliance au centre quand ses deux autres collègues, l'ex-ministre de l'Environnement, Yves Cochet, et l'ancien candidat à la présidentielle, Noël Mamère, la rejettent. Martine Billard, la quatrième députée Verte élue en 2007, a carrément claqué la porte du parti cet été pour protester contre cette dérive centriste et a rejoint Jean-Luc Mélenchon et son Parti de gauche.« Dès le lendemain des régionales, on ressortira les couteaux », prévient Gabriel Cohn-Bendit, frère de Daniel et président de l'Association des amis d'Europe Écologie qui tente de fédérer les écolos n'appréciant pas les « sectaires » du parti de Duflot. Sauf que l'arrière-salle d'un bistrot de Montparnasse a été assez grande pour réunir récemment les troupes des frères Cohn-Bendit.En fait, Duflot comme Cohn-Bendit ont besoin l'un de l'autre. Sans l'eurodéputé, principal artisan du succès des écolos aux européennes, la secrétaire nationale des Verts serait-elle sortie de l'anonymat ? Mais sans la percée médiatique de cette dernière et le soutien logistique des Verts, les amis de Dany auraient-ils pu occuper la moitié des places sur les listes régionales ? Dès le lendemain des élections, les écolos vont pouvoir se remettre à leur sport favori : la division.Patrick CoquidéLes écologistes rêvent de confirmer aux régionales leur percée des européennes de juin dernier. Derrière la médiatique Cécile Duflot, la machine Verte commence àse professionnaliser. Trop lentement aux yeux de certains.
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