Transssibérien Blaise Cendrars : Bienvenue en Sibérie

La ville de Novossibirsk, construite à la fin du XIXe siècle sur les bords de l'Ob, est intimement liée au Transsibérien ; c'est ici, au coeur de la Sibérie, que s'est faite la jonction des rails entre l'est et l'ouest. Dans cette cité industrielle, l'architecture soviétique est mise à rude épreuve par le climat (l'hiver dernier, d'octobre à fin avril, le thermomètre est resté figé en deçà de - 25°C, avec des pointes à - 50°C) ; elle ne déparerait pas à Sarcelles. Seul l'académicien Dominique Fernandez, auteur du « Dictionnaire amoureux de la Russie », esthète, pouvait au premier coup d'oeil déceler un charme fou à cette plaque tournante du transport entre mines de charbon à l'est et gisements minéraux de l'Oural. « C'est une ville de musique : Novossibirsk possède le troisième plus grand opéra de Russie. À l'école de musique, des enfants de 7 à 18 ans viennent de Corée et de Chine pour suivre l'enseignement des meilleurs professeurs. En particulier, Monsieur Braun, le professeur de violon, est réputé dans le monde entier ; il a formé les plus grands violonistes actuels. Au philharmonique, le spectacle de fin d'année des élèves de ballet est d'un niveau exceptionnel. Les Russes ont un rapport très étroit avec la musique. Surtout leur musique - celle de Tchaïkovski et Rachmaninov. Ces musiciens expriment ce qu'ils ressentent, ils ont un lien affectif avec la musique, ils ne font pas de coupure entre le conceptuel et la vie. Les Russes sont toujours dans l'affection, et la musique, c'est le comble de l'émotivité. » Sur la route qui mène à la cité des sciences d'Akademgodorok, à 30 km du centre, le musée du rail de Seyatel recèle un autre trésor qui séduit tous les amoureux du Transsibérien : quelque 100 locomotives à vapeur (avec leurs wagons) de l'époque pré-révolutionnaire. Plus exceptionnel encore, l'institut archéologique et ethnographique possède deux momies pour lesquelles les chercheurs du monde entier font escale en Sibérie. L'une d'elles, dite « la princesse de l'Alta, en parfait état de conservation, date de 2.500 ans. Sa découverte a permis aux chercheurs de mieux connaître les us et coutumes de l'époque d'Alexandre Le Grand. Enchantement des écrivains alors que le groupe s'apprête à s'enfoncer plus avant vers l'est, mais, sur le quai de la gare, Minh Tran Huy, Géraldine Dunbard, Mathias Enard, Jean-Noël Pancrazi et Eugène Saviztkaya, doivent quitter le train pour regagner Paris. Sylvie Germain, le photographe Thadeus Kluba Wilfried N'Sondé et Maylis de Kerangal leur succèdent pour poursuivre l'épopée jusqu'à Vladivostok. Impatiente de faire le saut dans l'immensité sibérienne, cette dernière, auteur de « Corniche Kennedy », résume l'ambiance d'un trait : « Ici, le curseur des émotions est très haut perché. » Au moment des adieux, sur le quai, une farandole s'improvise : on chante, on danse, dernières rasades de vodka en partage. Les Russes sont sidérés, les écrivains français sont devenus russes, ils livrent leurs émotions et leur affection sans retenue.  
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