Pourquoi la nomination de Jeroen Dijsselbloem est inquiétante

A priori, ce pourrait n\'être qu\'un simple marchandage entre nations de la zone euro, comme il y en a régulièrement. La nomination de Jeroen Dijsselbloem, le ministre des Finances néerlandais, à la tête de l\'Eurogroupe ressemble à un compromis traditionnel à l\'européenne. Avec au final, la nomination d\'un ressortissant des trois pays du Benelux, ce cœur de l\'Europe qui semble toujours un peu neutre. Mais dans le cas d\'epèce, il n\'en est rien.Casse-têteLa succession de Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois à la présidence de l\'Eurogroupe a été un véritable casse-tête pour les Européens. La volonté de l\'Allemagne de placer son propre ministre Wolfgang Schäuble avait fait échouer une première fois, au printemps, la recherche d\'une solution. Le Luxembourgeois avait dû rempiler pour une année, sans que ce délai ne permette réellement d\'avancer, notamment sur un compromis entre Paris et Berlin. Finalement, Berlin a sorti de son chapeau Jeroen Dijsselbloem. Un choix qui n\'a guère enthousiasmé les Français. Mais la faiblesse de Paris est telle aujourd\'hui en Europe que, tout en traînant des pieds, il a bien fallu que Bercy cède.Peu de qualités pour le posteCe n\'est pas la personnalité de ce ministre néerlandais inconnu voici encore quelques semaines qui a donc été déterminante. Ce ne sont pas davantage ses compétences particulières. Jean-Claude Juncker avait certes bien des défauts, mais il avait d\'indéniables qualités techniques et un sens du compromis unique. Autant de qualités que Jeroen Dijsselbloem devra acquérir. Jusqu\'ici, ce politicien d\'envergure plutôt régionale, apparatchik du parti travailliste néerlandais et diplômé de politique agraire, n\'a guère prouvé qu\'il en dispose. Il ne connaît guère les arcanes des institutions européennes, n\'a pas plus d\'expérience pour la gestion des crises et n\'a pas enfin montré de capacités évidentes à forger des compromis.La Haye, soutien de BerlinEn réalité, la seule vraie qualité de Jeroen Dijsselbloem, c\'est d\'être néerlandais. Une qualité suffisante pour en faire le candidat de Berlin et, in fine, le président de l\'Eurogroupe. C\'est que le gouvernement des Pays-Bas, dirigé par le très orthodoxe libéral Mark Rutte est un des plus fermes soutiens à la politique européenne allemande. On le voit en ce moment sur la question de l\'union bancaire où La Haye est en première ligne pour réduire la capacité d\'action directe du Mécanisme européen de Stabilité (MES) sur les banques. Une stratégie qui fait les affaires du gouvernement allemand qui ne souhaite rien de plus que de reporter toute intervention du MES après les élections fédérales de septembre 2013.Le précédent MerschLa volonté de Berlin de nommer un Néerlandais à ce poste fait écho à sa pression pour imposer le Luxembourgeois Yves Mersch au directoire de la BCE au cours de l\'automne dernier. Certes, Yves Mersch a plus d\'experience que Jeroen Dijsselbloem. Mais le parlement européen souhaitait une femme au directoire de la BCE. Il a donc voté contre cette nomination. Angela Merkel a insisté pour qu\'on ignorât le vote du parlement. L\'essentiel était pour elle qu\'un Luxembourgeois, donc un \"faucon\" , prenne place à Francfort pour soutenir la ligne de la Bundesbank.Volonté de reconquêteLe cas de la BCE est intéressant, car depuis sa création, on a cherché à établir un équilibre au sein des instances dirigeantes entre le « nord » et le « sud. » Cet équilibre s\'est rompu au printemps 2011 lorsque le président de la Bundesbank, Axel Weber, a jeté l\'éponge pour la succession de Jean-Claude Trichet à la présidence de la BCE. Angela Merkel avait, l\'année précédente, accepté la nomination du Portugais - donc de la « colombe » - Vitor Constancio à la vice-présidence en espérant obtenir celle d\'Axel Weber à la présidence. Sa stratégie s\'est effondrée et elle a dû accepter la nomination de Mario Draghi. Depuis, ce même Mario Draghi a été vivement critiqué outre-Rhin par la Bundesbank pour sa politique « expansionniste » et l\'Allemagne a engagé une entreprise de « reconquête » des postes européens de gestion de la crise en faveur des ressortissants du « Nord. »InquiétantDésormais, donc, Berlin soutient les candidats de ses alliés, quitte à les présenter comme des candidats de compromis comme dans le cas de Jeroen Dijsselbloem. Si cette pratique venait à se généraliser, elle serait plus qu\'inquiétante. Le critère de compétence serait définitivement abandonné en faveur d\'un critère « ethnique » discutable qui prendrait acte d\'une division de la zone euro en deux pôles irréconciliables.  
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.