Scope Ratings, la petite agence de notation allemande qui veut jouer dans la cour des grandes

Quand on vous dit « agence de notation », à qui pensez-vous ? Aux américaines Standard & Poor's (S&P) et Moody's, bien sûr, ainsi qu'à Fitch, détenue par la société française Fimalac. Ces trois mastodontes se partagent en effet 96% du marché mondial de la notation de la solvabilité des entreprises et des Etats. Une hégémonie qui ne décourage pas Scope Ratings : cette petite agence de notation berlinoise, fondée en 2002 par Florian Schoeller et détenue par la famille de ce dernier - l'une des plus anciennes dynasties industrielles d'Allemagne -, vient d'ouvrir un bureau à Londres. L'objectif : se lancer dans la notation de banques européennes et, même, internationales.Une diversification de taille pour Scope Ratings, jusqu'alors essentiellement axée sur la notation de fonds d'investissement immobiliers, de PME et d'ETI (entreprises de taille intermédiaire). Agréée par l'Esma, le gendarme européen des marchés financiers, Scope Ratings avait par exemple noté le promoteur immobilier français Capelli, fin 2012, afin de lui permettre de procéder à la première IBO [Initial Bound Offering : émission d'obligations auprès des particuliers ; Ndlr] proposée aux PME par Nyse Euronext.Des méthodologies plus transparentesSi Scope s'estime légitime sur le segment de la notation des banques, c'est parce que l'agence « représente une véritable alternative sur ce terrain, encore dominé par les grandes agences de notation américaines », affirme Florian Schoeller. « L'un des facteurs déterminants pour l'avenir de la notation des banques réside dans des méthodologies plus transparentes et prospectives », précise Sam Theodore, responsable de l'équipe londonienne de Scope Ratings.Ce dernier, qui a fait ses classes chez Moody's durant 17 ans, avant de rejoindre la FSA (Financial Services Authority) - le gendarme britannique des marchés financiers -, puis l'Autorité bancaire européenne, appuie là où ça fait mal : le 18 mars dernier, l'Esma avait vertement reproché à S&P, Moodys et Fitch leur manque de transparence, s'étonnant que les « Big Three » n'aient pas réexaminé les notes du secteur bancaire après avoir changé la méthodologie de leur évaluation.Un feu roulant de critiquesPlus globalement, les trois grandes agences de notation sont sous le feu des critiques depuis la crise financière de 2008, qu'elles sont accusées de n'avoir nullement anticipée. Au point d'avoir accordé d'excellentes notes à des produits financiers sophistiqués, pourtant pleins à craquer de « subprimes », ces crédits hypothécaires américains qui se sont révélés être de véritables bombes à retardement. A ce titre, la justice américaine avait d'ailleurs décidé, en février dernier, de réclamer jusqu'à 5 milliards de dollars de dommages à S&P. L'Europe n'est guère plus clémente, qui a voté pas moins de trois cadres de réglementation des agences de notation, au cours des trois dernières années, afin, notamment, de tenter de réduire le poids des « Big Three. »De nouveaux modèles d'agences de notationC'est précisément pour profiter de « l'évolution du secteur des agences de notation, plus compétitif et en demande d'opinions différentes » que Scope Ratings a choisi d'élargir son portefeuille d'activités, reconnaît Florian Schoeller. Et Scope n'est pas un cas isolé : depuis un an, la fondation Bertelsmann expérimente un modèle d'agence de notation à but non lucratif, aux antipodes des Moody's, S&P et Fitch, rémunérées par les émetteurs qu'elles notent. Cette agence « pilote », baptisée Incra (International non profit credit rating agency), a pour le moment noté six Etats, à savoir la France, l'Italie, l'Allemagne, le Japon, le Brésil et les Etats-Unis.En France aussi, il existe un projet - tout récent - d'agence de notation, dénommé Riskergy. Lancé le 11 avril, il vise, comme Incra, à noter les obligations souveraines, mais avec la particularité d'inclure les risques énergétiques dans ses critères d'évaluation. Doté de 3,8 millions d'euros, une somme apportée en grande partie par des entités publiques comme l'Agence française de développement, le Conseil régional d'Ile-de-France et le Fonds unifié interministériel, ce projet sera opérationnel d'ici à 2015.Mais l'hégémonie de S&P, Moody's et Fitch ne sera pas simple à combattre. Notamment parce que le dernier texte réglementaire voté par le Parlement européen, le 16 janvier dernier, et qui devrait entrer en vigueur cette année, est bien en-deçà des propositions initialement formulées par la Commission européenne. En particulier en matière de concurrence : alors que l'exécutif européen voulait contraindre les Etats et les entreprises à changer d'agence de notation tous les trois ans, ce turn-over obligatoire sera limité à la notation de certains produits structurés. 
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