La Russie fait sa révolution commerciale

Il aura fallu pas moins de 18 années de négociations à rebondissements pour que la Russie intègre finalement l\'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Ce mercredi, elle est donc devenue officiellement le 156e membre de l\'institution « qui s\'occupe des règles régissant le commerce entre les pays », et dont « le but est d\'aider les producteurs de marchandises et de services, les exportateurs et les importateurs à mener leurs activités. »Concrètement, la Russie va désormais appliquer une taxe douanière de 7,8% sur les produits (contre 15% en moyenne actuellement) et a pris des engagements spécifiques dans 11 secteurs des services, selon les termes de l\'accord. L\'OMC estime que le PIB russe pourrait gagner 3 points lorsque cette libéralisation des échanges sera effective, ce qui va prendre toutefois au moins huit ans.  Pour ce membre des \"BRICS\", cette entrée a pour but de moderniser et stimuler une économie russe qui bénéficie encore dans de nombreux secteurs de l\'aide de l\'Etat et de protectionnisme.Les gagnants et les perdantsCette plus grande intégration dans le commerce mondial risque toutefois de ne pas aller sans mal. Ainsi la banque d\'investissement russe Troika Dialog a dans une étude citée par le Financial Times évalué à l\'aune de cette entrée dans l\'OMC les sociétés russes qui devraient en bénéficier et celles qui devraient en pâtir. En effet, la baisse des taxes sur les importations devrait profiter à certaines sociétés cotées comme le distributeur de produits électroniques M.Video, ou ceux de produits alimentaires comme Magnit et X5. Parmi les autres gagnants, on trouve le BTP, qui va pouvoir acheter son matériel à moindre coût, à l\'exemple des entreprises comme Mostotrest ou LSR Group. Dans le secteur de l\'aérien, la compagnie Aeroflot va voir le prix de ses équipements baisser.Autre effet positif, l\'augmentation du trafic commercial va contribuer à développer l\'activité des compagnies de transport, qu\'elles opèrent dans le maritime, comme le Novorossiysk Sea Port et Global Ports, ou dans le ferroviaire comme Transcontainer et GlobalTrans. Ces sociétés devraient connaître à l\'avenir une meilleure visibilité à l\'international.Du côté des secteurs qui risquent d\'être perdants, il y a l\'agroalimentaire, qui bénéficiaient de subventions publiques notamment pour leur fourniture d\'engrais et d\'énergie. Leur suppression va entraîner mécaniquement un renchérissement des coûts de production, et la concurrence frontale avec les importations de viandes et d\'œufs... Ainsi, le producteur de porcs et de poulets Cherkizovo se prépare des jours difficiles, et a d\'ores et déjà annoncé qu\'il allait évaluer cet impact avant d\'investir.Un autre secteur protégé qui va subir de plein fouet la concurrence internationale est la construction automobile, avec une baisse des taxes douanières de 15 % à 12 % sur les voitures importées. Cela risque de poser des problèmes à certains constructeurs comme GAZ, propriété de l\'oligarque, Oleg Deripaska, roi mondial de l\'aluminium.Les entreprises américaines pénalisées?Pour autant, les effets devraient prendre un certain temps avant d\'être visibles, pas avant au moins 2015, notamment dans les secteurs de l\'agriculture, des biens manufacturés et de l\'assurance, indique Chris Weafer, le chef stratégiste de Troika Dialog, car Moscou a obtenu une période de 8 ans pour appliquer l\'intégralité de ses baisses des droits douaniers.Cette entrée dans l\'OMC pourrait aussi faire des perdants hors de la Russie. Même si selon les projections, les exportations américaines vers la Russie pourraient doubler, un grand nombre d\'élus au Congrès américain s\'opposent à une normalisaton de l\'établissement de relations commerciales avec la Russie en raison du soutien de Moscou aux « Etats voyous » comme l\'Iran, la Syrie ou le Venezuela, et à sa politique de répression à l\'égard de ses dissidents, comme l\'illustre récemment la condamnation du groupe punk Pussy Riot.En conséquence, des entreprises qui pourraient largement bénéficier de l\'ouverture du marché russe comme les fabricants d\'engins Caterpillar et John Deere ou encore le conglomérat General Electric pourraient être pénalisés, car Moscou a avertit qu\'il prendrait des mesures de rétorsion en cas de non respect des règles de l\'OMC. Bref, les Etats-Unis ont après la Chine et le Brésil un nouveau partenaire commercial qui s\'annonce sans concessions dans cette compétition sans merci qu\'est le commerce international. 
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