La poudre et le lait

On l'avait presque oublié. La France du « non », celle du rejet du projet de Constitution européenne, était largement provinciale. Rurale même. On n'y avait vu alors qu'ingratitude d'un monde paysan oublieux des milliards perçus au titre de la politique agricole commune, la PAC. Un mouvement d'humeur, en quelque sorte. La réalité était différente, le divorce plus profond. Il resurgit, désormais, à chaque jacquerie. Paris n'est plus le mal. Bruxelles, voilà l'ennemi ! La crise du lait apporte une nouvelle illustration du fossé grandissant entre le monde paysan et la Commission, dont ni les « non » aux référendums ni même la crise financière n'ont réussi à modérer l'ardeur dérégulatrice. L'origine de la crise qui secoue les éleveurs laitiers est en effet connue. En 2008, sous la présidence française de Nicolas Sarkozy, les Vingt-Sept tombent d'accord pour assouplir graduellement les quotas laitiers. Il s'agit d'anticiper leur disparition définitive en 2015. Cette mesure se conjugue, à Paris ? le hasard tombe mal ?, avec l'interdiction par la Direction de la concurrence du traditionnel système interprofessionnel de fixation du prix du lait. Le tout se passe dans l'indifférence générale, les cours étant alors au plus haut. Ils sont depuis tombés au plus bas. La crise est là et les bidons se vident sur les pavés. Paris a pris la mesure du retournement, comme l'illustrent les propos de Bruno Le Maire, le jeune ministre chargé du dossier, pour qui l'agriculture est soumise à « trop d'aléas » pour être livrée aux « seules forces de la concurrence ». L'heure est donc à la re-régulation, à la mise en place de contrats producteurs-industriels « sous le contrôle des pouvoirs publics ». Un système interprofessionnel « canada dry », en quelque sorte. À Bruxelles, en revanche, l'heure n'est pas au retour des quotas. Les concessions de la Commission privilégient la renationalisation de la PAC, ou les cessations d'activité. On comprend la frustration des éleveurs. Pour Bruno Le Maire, et les dix-neuf autres États membres de l'Union européenne qui défendent une politique similaire, l'enjeu est donc d'arriver à mettre en place un nouveau mode de régulation européen. Une démarche qui amènerait les Vingt-Sept à aller au-delà des actuelles dérogations au droit communautaire de la concurrence en faveur du secteur agricole. Faute de quoi, les paysans pourraient bien faire parler la poudre (de lait). [email protected] gay
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