Dépendance : l'autre tabou que veut briser Sarkozy

« Pour moi, la réforme des retraites, c'est du social. Le social, c'est donner du travail aux Français et non pas créer une énième allocation. » Début novembre, devant un Jean-louis Borloo encore en attente d'une éventuelle nomination à Matignon, Nicolas Sarkozy avait récusé toute idée de virage social, réclamé par les élus centristes. Parce qu'il avait sans doute déjà fait le choix de la continuité, demandée et obtenue par François Fillon.Il n'empêche : telle que présentée la semaine dernière par le chef de l'État, la future réforme de la dépendance a tout du projet social, à forte connotation solidaire. Comme les Français les aiment... Nicolas Sarkozy le souligne, il veut protéger ses compatriotes. Il connaît en outre, dans la perspective de sa candidature en 2012, l'importance d'une consolidation de l'électorat âgé, particulièrement préoccupé par le sujet : ce sont des personnes de près de 60 ans, ou au-delà, qui, le plus souvent, ont la charge de leurs aînés dépendants.En créant un « cinquième risque » au sein de la Sécu, le chef de l'État finirait son quinquennat sur une note quasi gaullienne, renouant avec l'inspiration des pères fondateurs de la Sécurité sociale. Loin des thèmes de 2007, comme l'incitation au retour des riches exilés au moyen de cadeaux fiscaux. La rupture serait donc bel et bien enterrée...En réalité, après avoir brisé le tabou de la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy va tenter de mettre fin à un autre dogme français, celui du système public et universel de Sécurité sociale. Devant les téléspectateurs, il a ouvert la voie, certes avec prudence, à un financement de la dépendance par les assurances privées. Une révolution, en regard de l'esprit qui a présidé à la création de la Sécu. À nouveau, le chef de l'État va chercher son inspiration dans le modèle anglo-saxon. On le sait, la protection sociale à la française, créée en 1945, est d'inspiration bismarckienne, fondée sur le travail : c'est le salarié qui est assuré, le système est financé par des cotisations assises sur le travail, et les prestations reçues sont proportionnelles à ces cotisations.Le modèle anglo-saxon fait le choix, lui, d'un filet de sécurité minimal accordé aux démunis, dont le financement est assuré par l'impôt. À charge pour ceux qui ne se contentent pas de ce minimum de trouver, individuellement ou via leur entreprise, un complément de protection. Telle est l'inspiration du projet sarkozyste. Le schéma sur lequel travaille l'exécutif est celui d'un système à deux étages. Le premier serait celui d'une allocation dépendance attribuée par la puissance publique aux plus démunis, financé par l'impôt, la CSG. Celle-ci serait relevée, mais sur les seuls retraités, afin de ne pas enfreindre le dogme sarkozien du refus de toute hausse d'impôt générale.Le deuxième étage de financement de la dépendance, le principal, reposerait lui, sur l'assurance privée. La grande novation du projet serait l'instauration, pour les plus de 50 ans, d'une obligation d'assurance auprès d'une société privée ou d'une mutuelle, comme l'avait proposé un rapport de la députée UMP Valérie Rosso-Debord. Si des équivalents existent dans d'autres domaines - on songe à l'obligation d'assurance automobile -, ce serait là une première en matière de protection sociale. Une partie de ces sommes ainsi collectées irait à un fonds de garantie, mais pour l'essentiel, il serait fait appel à des mécanismes d'assurance privée. Les assurés se verraient offrir une grande liberté de choix, pouvant opter pour une couverture plus ou moins grande du risque dépendance.Les motivations avancées pour ce choix du privé donneront lieu évidemment à débat. Dans son rapport, Valérie Rosso-Debord soulignait, pour mieux l'écarter, les conséquences d'un financement public : cela augmenterait encore le poids des prélèvements obligatoires. Mais quel que soit le système, les Français de plus de 50 ans devraient mettre la main à la poche. Le prélèvement ne serait pas obligatoire au sens des définitions internationales, puisqu'il n'irait pas dans les caisses d'une administration publique. Il serait néanmoins, bel et bien... contraint. Voilà plus de dix ans déjà, un rapport du Conseil d'analyse économique soulignait la pertinence très relative des comparaisons internationales en matière de prélèvements obligatoires : les différences entre grands pays tiennent surtout à des choix de société, ceux faits entre système d'assurance (maladie, vieillesse...) privée ou publique. Dans tous les cas, s'assurer a un coût. « There is no free lunch », disent les économistes anglo-saxons...Par Ivan Best Éditorialiste à « La Tribune »
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