Agriculture, développement et sécurité alimentaire

L'agriculture contribue pour une part importante de l'activité économique et des emplois des pays pauvres : le rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde (WDR 2008) montre que la croissance en agriculture est en moyenne deux fois plus efficace que la croissance dans d'autres secteurs pour réduire la pauvreté. Mais le développement agricole est rarement pensé comme un moteur de la croissance économique : on a préféré concentrer les aides publiques sur d'autres secteurs et privilégier le décollage industriel. La crise alimentaire de 2008 a replacé l'agriculture au coeur des préoccupations des gouvernants. La hausse considérable des prix des denrées alimentaires, qui n'ont pas baissé dans la vente au détail, même après la crise, a contraint la consommation des ménages. Or l'enjeu est crucial puisque 2,5 milliards d'individus pauvres tirent leur subsistance de l'agriculture. La malnutrition n'a pas été résorbée. Et il faudra compter sur d'autres facteurs : le changement climatique, l'instabilité des marchés agricoles et l'évolution des régimes alimentaires impactent la production locale. Pour satisfaire la demande, les disponibilités alimentaires devraient globalement croître de 50 à 70 % d'ici à 2050. Mais l'Asie, l'Afrique subsaharienne et la région Afrique du Nord/Proche-Orient ne seront pas autosuffisantes. Il faudra, pour éviter les migrations massives, que ces pays soient capables de financer leurs importations, que leurs marchés alimentaires internes permettent une rémunération suffisante des agriculteurs et que l'on identifie des techniques moins coûteuses et plus respectueuses de l'environnement. C'est le modèle de l'agro-écologie qu'il faudra ainsi promouvoir.Il s'agit de s'adapter aux contextes agricoles et démographiques de ces régions et de déterminer des garanties pour la viabilité économique et environnementale des exploitations familiales, qui assurent 90 % de la production alimentaire. Les techniques peuvent s'appuyer par exemple sur l'agroforesterie en Afrique, privilégier le semis direct sous couvert végétal ou favoriser la fixation du carbone dans les sols, ou investir dans la création et la réhabilitation des périmètres irrigués. Elle passera par la mise au point de variétés améliorées, plus productives et plus résistantes, notamment pour les espèces vivrières, qui devront améliorer leur rendement de 71 %.Ces actions, pour être pertinentes, ne sauraient se passer de politiques publiques renouvelées. Des politiques foncières sécurisant l'utilisation de la terre feraient bénéficier les agriculteurs de résultats à long terme, en dépit des aléas climatiques ou de marché. Car les aléas des résultats induisent aussi une frilosité des prêteurs ; une politique de facilitation de l'accès au crédit, en sus des institutions de microfinance, permettrait de mobiliser les banques commerciales. De même, la réponse aux crises alimentaires passe par des filets sociaux qui en atténuent les effets : aide en nature, transfert en cash, dotation matérielle, souvent mobilisés dans des situations d'urgence, doivent s'imposer dans la panoplie des instruments durables des politiques publiques. Plus largement, les problèmes conjoncturels appellent des mécanismes d'atténuation de la volatilité des cours et de gestion des risques climatiques et sanitaires, privés ou collectifs, dans lesquels l'État joue un rôle de pivot et les problèmes structurels des investissements plus massifs dans les infrastructures, afin de dynamiser l'économie rurale.Sur l'intervention des pouvoirs publics, les controverses restent vives. Intimement liées au degré de la libéralisation commerciale. Se jouent ici des choix politiques sociaux sur le degré d'exposition à l'instabilité importée de ces marchés auquel peuvent être soumises l'agriculture locale et les réelles capacités des agricultures familiales à relever le défi de l'intensification par rapport aux agricultures d'entreprise, dont l'emprise foncière est importante. Dans ce contexte, la coopération internationale ne pourra être qu'accompagnatrice, et veiller à l'équité.
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