L'instabilité politique chronique au Portugal

A la tête depuis plusieurs mois d'un seul gouvernement minoritaire, soit 97 des 230 députés portugais, José Socrates aurait-il délibérément provoqué la crise ? En mettant indirectement son mandat en jeu via un vote sur son programme complémentaire de stabilité et croissance, dans l'espoir d'obtenir le soutien de l'opposition à cette nouvelle vague d'austérité, le chef du gouvernement portugais a peut-être choisi une attitude de fuite en avant qui le mettrait à l'abri politiquement en cas d'échec. Démissionnaire, il peut se présenter devant ses partenaires au sommet de Bruxelles en rendant responsable l'opposition, et notamment le Parti social-démocrate (le PSD). « José Socrates est un animal politique. On peut difficilement croire que le Premier ministre a pris cette décision à la légère alors que son parti est minoritaire à l'assemblée. En même temps s'il s'agit d'un piège tendu à son rival Pedro Passos Coelho, leader du PSD, le risque est très grand », reconnaît l'analyste André Freire, professeur à l'Institut universitaire de Lisbonne. Le programme complémentaire de diminution du déficit que le Premier ministre et son ministre des Finances ont présenté aux responsables européens la semaine dernière a reçu un satisfecit de la part des partenaires européens. Mais José Socrates tente parallèlement de gagner du temps, alors que les indicateurs indiquent que le pays est au bord de la récession (recul de 0,9 % du PIB contre l'augmentation de 0,2 % prévue initialement). Le contexte ne lui est plus aussi favorable, et la réaction des marchés ne s'est pas fait attendre : les taux de remboursement de la dette extérieure à 10 ans atteignent 7,8 % et ceux à 5 ans dépassent 8,2 %. Le Portugal, on le sait, doit aller sur les marchés pour émettre 9 milliards d'euros de dette d'ici à la fin juin. Mais l'envolée des taux risque de rendre l'opération très risquée. Socrates veut-il négocier l'aide de Bruxelles pour éviter ce que Lisbonne redoute par-dessus tout, l'intervention du FMI ? Socrates même renvoyé dans l'opposition à la suite d'élections législatives anticipées pourrait contraindre la droite libérale à une coalition pour imposer le respect des règles de l'Union européenne jusqu'en 2013. Et, dans le cas d'une intervention extérieure, en faire porter le chapeau à ses rivaux sociaux-démocrates.Marie-Line Darcy, à Lisbonne
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