L'histoire secrète du mariage entre GDF Suez et International Power

Cet été, pour les dirigeants de GDF Suez, les vacances ont commencé à Londres, le soir du 10 août. Ce jour-là, après avoir annoncé à la presse et aux analystes européens le mariage de leur groupe avec International Power, qui donne naissance au numéro un mondial de l'énergie, les principaux patrons du groupe se sont envolés d'Heathrow vers leurs destinations estivales. Gérard Mestrallet a dû quant à lui encore enchaîner des réunions de travail avant de rejoindre sa résidence normande le mercredi matin. En fait, depuis le dimanche 8  août, à 18 heures, le PDG de GDF Suez pouvait souffler. Ce soir-là, après deux heures d'ultimes discussions avec Sir Neville Simms et Philip Cox, respectivement président et directeur général de International Power (IP), l'accord a été scellé dans son bureau parisien du 8e arrondissement. Enfin. Interrompues brutalement mi-janvier 2010, par une sommation de l'autorité boursière londonienne, les négociations pour prendre le contrôle de ce producteur indépendant d'énergie avaient commencé à l'automne 2009. Mais les équipes de Suez avaient repéré cette cible dès 2007. Les deux groupes se connaissaient bien. Ils avaient en 2006 remporté ensemble un appel d'offres à Bahrein pour une usine de dessalement.Au printemps 2007, quand le dossier IP arrive pour la première fois sur son bureau, Gérard Mestrallet, patron de Suez, alors absorbé par le long et compliqué projet de fusion avec Gaz de France, le repousse. Celui-ci s'est pourtant vite convaincu de l'intérêt stratégique d'International Power pour son groupe : centré sur les mêmes métiers, dans des zones géographiques non seulement complémentaires mais en forte croissance (Australie, Asie, Moyen-Orient), IP permettrait à Suez de doubler ses rentables activités internationales. Le tout en procédant à une fusion, donc en limitant la sortie de cash, selon le précepte intangible des cinq précédentes opérations de croissance externe menées par Gérard Mestrallet (Société Généralecute; Générale de Belgique, Lyonnaise des Eaux, Electrabel, Tractebel et bientôt Gaz de France). Mais, soucieux de ne pas compromettre cette dernière opération, en cours, le dirigeant préfère ne pas donner suite. Opération « Mistral »Deux ans et demi plus tard, la fusion avec GDF est presque de l'histoire ancienne. Gérard Mestrallet se déplace en octobre 2009 outre-Manche pour faire sa proposition de mariage aux patrons d'International Power. Il tombe bien. La crise financière a asséché les moyens de financement et assombri les perspectives d'IP. Les discussions de l'opération « Mistral » s'engagent sur le champ. Les banquiers d'affaires de GDF Suez, Thierry Varenne (BNP Paribas), Yoël Zaoui (Goldman Sachs) et Grégoire Chertok (Rothschild) négocient avec leurs homologues britanniques. GDF Suez se voit bien prendre le contrôle de 60 % du nouvel ensemble en se contenant d'apporter des actifs. Mais les actionnaires d'International Power ne l'entendent pas de cette oreille. Inconcevable pour eux de céder le contrôle de leur groupe sans rien empocher au passage. La tension monte. Le week-end du 17 janvier 2010, la presse britannique dévoile les discussions. Cette fuite oblige le gendarme de la Bourse, UK Listing Authority, à entrer dans le jeu. Elle somme les deux groupes de conclure vite un accord, faute de quoi ils doivent « poser le stylo » (procédure du « pen's down ») et ne plus se parler, sauf à en faire publiquement l'annonce.GDF Suez, peu soucieux de se plier à ce que le groupe interprète comme une tentative de pression, préfère renoncer. Temporairement. Dès juin, les équipes des deux côtés reprennent le travail. Selon nos informations, le 9 juillet, Gérard Mestrallet, accompagné du patron de sa branche internationale Dirk Beeuwsaert, rencontre dans le plus grand secret à Bournemouth, les patrons de IP pour convenir d'une reprise des négociations. Celle-ci sera annoncée officiellement le 19  juillet. Et l'accord définitif validé par les conseils d'administration le 9 août. Entre-temps, le PDG de GDF Suez a accepté de verser 1,7 milliard d'euros aux actionnaires d'IP, sous forme de dividende exceptionnel. Consolation, il verra sa part du nouvel ensemble monter à 70 %.
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