Yannick d'Escatha, président du Centre national d'études spatiales (CNES)Qu'est-ce que ce premier vol a apporté politiquement et technologiquement à la France et l'Europe ?Ce premier vol nous a clairement apporté l'indépendance dans notre accès à l'espace. Il a notamment permis à la France et à l'Europe d'entrer dans le petit cercle fermé des grandes puissances spatiales en devenant capables de lancer leurs satellites à partir de leur base spatiale, sans le recours à un autre État. Technologiquement, ce vol a aussi démontré que la France et l'Europe possédaient toutes les compétences et capacités nécessaires pour maîtriser des systèmes aussi complexes que ceux des lanceurs spatiaux.Et moralement ?Tout le monde connaît aujourd'hui Ariane, une famille de lanceurs célèbres qui fait la fierté de la France et de l'Europe. La paternité de cette « success story » en revient pour une grande partie au Cnes, qui a conçu et développé, d'une part, la famille Ariane par délégation de l'Agence spatiale européenne (ESA) et, d'autre part, la base spatiale de Guyane. La France a fait preuve dans la durée, au plus haut niveau de l'État, de sa volonté de développer de façon pérenne une politique spatiale ambitieuse.Ariane est-elle « la plus belle réussite » technologique de l'Europe spatiale ?Quand on regarde toutes les grandes puissances spatiales, elles maîtrisent aussi bien la filière des lanceurs que celle des satellites. Ces deux capacités sont indissociables et imbriquées car l'objectif est de répondre, grâce aux satellites, aux besoins des clients publics et privés. C'est le cas de l'Europe, qui maîtrise parfaitement les deux.En dépit des budgets européens contraints, l'Europe est-elle toujours dans la course face aux grandes puissances spatiale (États-Unis, Russie) et émergentes (Inde, Chine, Corée) ?Oui, l'Union européenne reste dans la course. Nous sommes une des plus grandes puissances spatiales au monde et nous sommes reconnus comme tels. Nous maîtrisons l'ensemble des compétences et capacités de la filière spatiale. Et nous apportons tous les bénéfices de cette politique spatiale aux citoyens européens. Rendez-vous compte que l'effet de levier de l'investissement spatial s'élève à vingt. En 2008, quand 7 milliards de dollars ont été investis dans le monde pour la fabrication des satellites et des lanceurs commerciaux, cela a créé une activité économique chiffrée à 130 milliards de dollars (télécoms, terminaux au sol, contenus, etc.). C'est un retour sur investissement très rentable.Ariane 5 aura-t-elle un successeur ? Faut-il que l'Europe dispose d'un lanceur ?Oui, l'Europe doit disposer d'un lanceur ? je dirai même d'une famille avec Ariane, Soyuz et Vega ? et d'une base spatiale en propre. Comme il faut quinze ans pour développer un nouveau lanceur, le prochain devrait arriver vers 2025 dans un monde sûrement très différent de celui d'aujourd'hui. D'où l'idée de développer dès maintenant Ariane 6. Il n'est pas trop tôt pour y travailler. Mais aujourd'hui, notre cheval de bataille reste Ariane 5, qui devra dans ces conditions fonctionner jusqu'en 2025 au moins, en s'adaptant grâce à de nouvelles évolutions technologiques. Il reviendra à nos successeurs de décider à ce moment-là de poursuivre ou non Ariane 5 en parallèle à Ariane 6.Propos recueillis par Michel Cabirol
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