Un inconnu nommé Engels

Alors que les idées de Karl Marx reviennent à la mode à la faveur de la crise, son alter ego, Friedrich Engels (1820-1895), reste toujours dans l'ombre. À tort, si l'on en croit la biographie d'un jeune historien britannique, Tristam Hunt, spécialiste de la période victorienne, intitulée « Engels. Le gentleman révolutionnaire ». En ce bouillonnant et industriel XIXe siècle, autour des années 1840, ce fils d'un prospère négociant prussien rhénan, qui se fait alors appeler Oswald le Montagnard, se présente lui-même comme un jeune philosophe autodidacte. Quatre ans plus tard, les dés sont jetés, le jeune bourgeois viveur, et largement oisif grâce aux subsides paternels, allait rencontrer Marx à Paris. Un coup de foudre entre les deux hommes qui marque le début d'une amitié exceptionnelle, abondamment relatée dans l'ouvrage. Tristam Hunt montre combien cette amitié concourt à l'élaboration d'idées politiques qui deviendront pareille à une religion au cours du XXe siècle. Si Marx est sans conteste pour Engels « le génie, et nous autres tout au plus des talents », Engels sera celui à qui Marx avouera en 1867 : « Sans toi, je n'aurais pas pu mener l'ouvrage [le livre I du Capital] à son terme. » Cet aveu montre le degré de reconnaissance qu'il doit à son ami, qui se trouve être aussi son plus exigeant critique. Engels est aussi son généreux mécène, qui le soutiendra financièrement toute sa vie grâce à ses revenus tirés de son entreprise de Manchester. Marx reconnaîtra sa dette intellectuelle envers le premier ouvrage d'Engels, « la Situation de la classe laborieuse en Angleterre », tiré d'une enquête sur le terrain réalisée à, à peine, 25 ans. Tristram Hunt insiste sur la qualité et la force de cet ouvrage « qui réside dans la rigueur de son raisonnement intellectuel et dans l'abondance des données factuelles (rapports d'enquêtes dans les usines, de compte rendu d'audience) », et surtout pour l'éclairage sans précédent qu'il apporte sur la réalité des conditions de vie du prolétariat anglais. où dominent « la puanteur, le bruit, la saleté et l'inhumanit頻. Au final, il se dégage du livre de Hunt, la description d'un personnage hors du commun, complexe, bien loin de l'icône dans laquelle Engels sera figée un siècle plus tard. Robert Jules« Engels. Le gentleman révolutionnaire » par Tristram Hunt, Éditions Flammarion, 587 pages, 28 euros.
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