Nucléaire belge : un sursis pour GDF Suez ?

Le débat fait rage en Belgique. Avec en ligne de mire, Electrabel, la filiale de GDF Suez, principal électricien du royaume et surtout seul exploitant des sept réacteurs, voués à la fermeture entre 2015 et 2025. Le nouveau gouvernement avait décidé l\'hiver dernier, avant même sa constitution, de revenir à la loi de sortie du nucléaire de 2003 qui prévoyait la fermeture, lors de leur quarantième anniversaire, de tous les réacteurs, qui fournissent aujourd\'hui 55% de l\'électricité du pays. Les trois plus anciens doivent donc fermer en 2015, les quatre autres en 2025 au plus tard. Une condition expresse à ce plan : que la sécurité d\'approvisionnement électrique de la Belgique ne soit pas menacée, précise la loi. C\'est sur cet argument que s\'appuie le secrétaire d\'Etat à l\'énergie, Melchior Wathelet, pour proposer, dans un rapport que la presse belge a dévoilé ce week-end, de n\'arrêter en 2015 que la moitié des capacités prévues. Il préconise de fermer soit les deux réacteurs de Doel 1 et 2 (900 MW en tout), soit Tihange 1 (1000 MW) mais pas les trois comme le stipule la loi de 2003.Risque de pénurie dès 2014Pour éviter le soupçon de cadeau envers Electrabel, le secrétaire d\'Etat propose que la capacité nucléaire ainsi dégagée (9% environ de l\'électricité belge) soit mise à la disposition du marché. Enfin, pour choisir quels réacteurs seraient fermés, Melchior Wathelet suggère de s\'en remettre, notamment, à un rapport que l\'Agence fédérale du contrôle nucléaire va réaliser sur la sûreté des centrales. Un rapport intermédiaire de l\'administration de Melchior Wathelet, révélé lui aussi par la presse belge, début mai, affirmait que le pays pourrait connaître une pénurie en électricité dès 2014, avant même la fermeture des réacteurs. Le manque de capacités oscillerait entre 800 et 2.000 mégawatts - sur une production totale de 16.000 mégawatts - en cas de fermeture de trois centrales électriques au gaz. Le déficit pourrait grimper à près de 4.000 mégawatts après 2015 en cas d\'application de la loi de sortie du nucléaire, estimaient les experts de l\'administration de l\'énergie. Précision : ce rapport ne prenait en compte que les productions certaines, excluant le solaire et l\'éolien, et tablait sur une absence d\'importations d\'électricité.Le parti du premier ministre ne veut pas \"être dogmatique\"Le gouvernement a promis de trancher cette question nucléaire cet été. Les six partis qui forment la coalition gouvernementale sont divisés. Deux d\'entre eux se sont d\'ores et déjà prononcés pour une prolongation jusqu\'en 2025 des trois réacteurs voués à la fermeture en 2015. Les socialistes flamands sont les plus réticents. « Il ne faut pas exagérer le risque de black-out en 2014 », estime Bruno Tobback, président du parti socialiste flamand. « La sortie du nucléaire doit débuter en 2015 ». C\'est, selon lui, « le seul moyen d\'attirer de nouveaux moyens de production et de garantir à terme la sécurité d\'approvisionnement ». Pour le PS, « l\'idéal est de sortir », mais le parti du premier ministre n\'entend « pas défendre une position dogmatique » sur ce dossier, rapporte le quotidien L\'Echo. Pour le parti « Ecolo » - les Verts qui sont dans l\'opposition au niveau fédéral, la proposition du secrétaire d\'Etat est « insuffisante ». Ils qualifient de « challenge techniquement hasardeux » la prolongation au-delà de 40 ans de réacteurs « conçus pour avoir une durée de vie de 40 ans ». « Alors que l\'Allemagne sera pionnière en matière de démantèlement et de transition énergétique vers des technologies alternatives au nucléaire, la Belgique choisirait donc d\'être à la pointe en matière de prolongation d\'une technologie passée et dangereuse », ont-ils déclaré ce week-end dans un communiqué.Electrabel fait pression en fermant ses centrales thermiquesDu côté de GDF Suez, on ne fait aucun commentaire. La surprise est mince, en réalité, car ces propositions coïncident avec les projections internes du groupe. Chez Electrabel, on s\'active. De toute façon, les perspectives sont sombres pour la filiale de GDF Suez. Même dans le scenario le plus favorable, l\'électricien a beaucoup à perdre. Les deux partis favorables à une prolongation des réacteurs envisagent, en contrepartie, d\'augmenter les taxes payés par Electrabel. Elles s\'èlèvent à 550 millions d\'euros en 2012. L\'an dernier, des membres du gouvernement cherchaient à doubler cette taxe, à un milliard d\'euros. Pour mettre la pression, Electrabel a confirmé il y a quelques semaines son intention de fermer d\'ici septembre 2013 trois centrales à gaz pour une capacité de 900 MW. Selon L\'Echo, ses plans de fermeture de centrales thermiques pourraient toucher en fait 1.600 MW. Avec la fermeture des réacteurs belges, GDF Suez perdra non seulement les bénéfices que rapportent chaque année ces centrales performantes et amorties, mais aussi le seul parc nucléaire qu\'il exploite dans le monde. Ce pourrait être fatal pour les ambitions nucléaires de Gérard Mestrallet. Privé de cette vitrine, le géant de l\'énergie aura beaucoup de mal à convaincre dans les nombreux pays où il envisageait jusqu\'à présent de construire des centrales.  
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