Explosion des déficits publics  :  le Pacte de stabilité

Charles de CoursonOUINotre croissance est trop faible pour supporter un gros déficit.Il est absurde de croire que la contrainte du Pacte de stabilité est une contrainte qui s'impose aux pays européens de l'extérieur. Aucun pays, dont la croissance économique est structurellement faible, ne peut vivre avec un déficit supérieur à 3 % de la richesse qu'il produit chaque année : car il gonfle alors mécaniquement le poids de la dette publique. Surtout lorsque, comme en France, le déficit est massivement un déficit de fonctionnement, et non un déficit d'investissement susceptible de générer des gains de productivité, c'est-à-dire des revenus et de la croissance. Le taux de déficit supportable, celui qui stabilise le poids de la dette par rapport à la richesse produite, dépend de deux facteurs : primo, le taux de croissance de l'économie ? plus il est bas, plus le déficit supportable est faible ? et secundo, les taux d'intérêt auxquels se refinance l'État. Si les taux sont faibles, comme encore aujourd'hui, cela augmente la capacité d'une économie à supporter des déficits. Or si la France peut encore se financer à des taux très raisonnables, sa croissance potentielle est tombée à 1,7 %, soit trois fois moins que la croissance que nous avons connue dans les années 1970 ! Voilà pourquoi notre dette publique explose. Cette chute continue de notre taux de croissance depuis trente ans est liée à la faiblesse de notre investissement. Pourrions-nous encore augmenter les impôts, alors que la France supporte un taux d'imposition parmi les plus élevés au monde ? Ce serait prendre le risque de tuer toute initiative, et partant toute croissance. Il faut savoir que les 150 milliards d'euros de déficits publics que la France devrait connaître dès 2009 vont déjà absorber l'intégralité de l'épargne brute des ménages. L'investissement privé va donc devoir se financer auprès des investisseurs étrangers. À quel prix ? Voilà pourquoi tous les pays qui ont dû accepter de creuser leurs déficits publics pour faire face à la crise vont devoir revenir au plus vite à l'équilibre budgétaire. C'est si vrai que l'Allemagne a décidé de s'imposer une discipline beaucoup plus stricte que celle du Pacte de stabilité : ses élus ont inscrit dans sa Constitution que leurs déficits ne pourraient dépasser 0,35 % de leur PIB en 2016. La vérité est que, avec sa limite à 3 % du PIB, le Pacte de stabilité est beaucoup trop laxiste pour des économies dont la croissance plafonne, dans les meilleures années, à 2 % l'an. n Le ministre du Budget, Éric Woerth, va présenter cette semaine un projet de budget pour 2010 en déficit de 130 milliards d'euros pour l'État, ce qui portera l'ensemble des déficits publics à plus de 7,5 % du PIB, et la dette publique à près de 74 % du PIB dès cette année. Si la crise a fortement alourdi les recettes et accru les dépenses, la France, dont l'essentiel des dépenses de l'État sont des dépenses de fonctionnement, semble ne plus être en mesure de contrôler ses déficits. La contrainte fixée par le Pacte de stabilité, d'un déficit public limité à 3 % du PIB, et d'une dette publique en deçà de 60 % du PIB, semble aujourd'hui totalement hors d'atteinte. Alors, le Pacte de stabilité a-t-il encore un sens ? Propos recueillis parValérie SegondNONJean-Paul FitoussiSi le Pacte de stabilité avait bien prévu de suspendre les limites fixées aux États en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui est le cas présent, il n'a pas, pour autant, plus de sens aujourd'hui qu'hier. Que dit-il ? Il impose à chaque pays de la zone euro, pris isolément, des limites à respecter en termes de déficit et de dette publics, en pourcentage de la richesse produite nationalement. Mais a-t-il seulement permis aux pays européens de mener une vraie politique commune, à l'échelle d'un continent de plusieurs centaines de millions d'habitants ? La vraie question n'est pas tant celle des équilibres budgétaires que la question de savoir si l'Europe a, ou non, les moyens de conduire une politique budgétaire cohérente, calée sur des objectifs communs ambitieux ? Les réponses à la crise menées par les États qui ont, chacun à leur façon, voulu limiter les dégâts conjoncturels, ont montré que les pays de la zone euro sont incapables de s'entendre sur une vision commune. Or, c'est tout de même un comble que l'Europe, qui forme la première économie du monde, attende aujourd'hui son salut du monde extérieur, et soit incapable de formuler une stratégie qui bénéficie à tous et à chacun ! L'Europe reste un ensemble non coopératif d'économies en situation de concurrence fiscale et sociale, et non un vaste territoire dirigé comme une vraie économie. En surveillant chaque État isolément, le Pacte de stabilité contribue même à diviser les seize pays membres de l'euro face à une autorité monétaire unique, la Banque centrale européenne : aussi le pacte casse-t-il toute possibilité de concevoir un bien commun entre pays. Cette vertu budgétaire érigée en seule politique économique a fini par peser de tout son poids sur la capacité d'initiative de l'Europe qui se voit contrainte de subir, en passager clandestin, les politiques des autres grandes économies du monde. Ce n'est pas pour rien que l'économie de la zone euro affiche, en temps normal, des performances moins bonnes que celle des autres régions du monde, alimentant le sentiment du déclin relatif d'un Vieux Continent en perte de compétitivité. Comment, dans ces conditions, bâtir une stratégie ambitieuse de croissance durable, au moment où chaque puissance réfléchit au meilleur moyen de préparer l'avenir ? n Il empêche les pays européens de construire une économie vraiment européenne.
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