Taxes alimentaires : le choc de simplification, c'est pour quand ?

Il y a un an environ, la France découvrait la taxe Nutella. Un projet de loi qui visait à taxer à 300% la tonne d'huile de palme. L'idée a été mise de côté. Mais d'autres projets de taxes alimentaires, issus du PLFSS 2013 ont vu le jour : en effet, les boissons énergisantes (Red Bull, Burn, Coca-cola...) ont été taxées de + 50 centimes d'euros / litre, quant à la bière, son droit d'accise a été augmenté de 160%.En parallèle de cette nouvelle «manie des taxes alimentaires», les TVA alimentaires se sont multipliées et complexifiées. Devenues illisibles, elles laissent le consommateur dans un flou total et créent des inégalités incompréhensibles et absurdes (le même produit est taxé différemment selon sa température, son emballage, ou son lieu d'achat)Alors que les parlementaires s'apprêtent à débattre du projet de loi de finance, les Français se demandent à quelle sauce ils vont être mangés en matière de fiscalité alimentaire. Dans ce mic-mac kafkaïen, la transparence devient une exigence et la simplification une nécessité.Rififi autour de la taxe Nutella Le projet initial de taxe sur le Nutella est assez symptomatique de l'attitude des politiques sur le sujet des taxes comportementales dites aussi «alimentaires» : il laisse le consommateur dans le flou absolu et démontre l'arbitraire de la mise en place d'une nouvelle fiscalité. Cette dernière dépend de la capacité que le politique a de convaincre l'opinion du bien fondé de sa proposition. En effet, à l'origine de la taxe Nutella, on trouve un homme, le sénateur socialiste Yves Daudigny. D'après lui, ce produit serait mauvais pour la santé, il serait donc légitime de le taxer. Si elle avait pu être appliquée, la taxe en question se serait élevée à 300 euros la tonne, soit un renchérissement de plus de 40% du prix sur les marchés mondiaux. Pour le consommateur final, cela aurait eu un impact de 6 centimes par kilo de Nutella.A peine rejetée par le Sénat, cette proposition est aussitôt reprise par le député écologiste Sergio Coronado et Gérard Bapt, député PS, veut intégrer la discussion dans le projet de loi de santé publique. Au mois de juin 2013, alors que tout le monde l'a oublié, le Sénateur Daudigny annonce sur Europe 1 que son projet va refaire surface à la rentrée. Oui mais voilà, pendant les vacances, le premier Ministre Jean-Marc Ayrault, en visite officielle en Malaisie, rejette toute idée de taxe sur l'huile de palme.Diabolisation des produits taxésPourtant les sénateurs verts, eux, semblent ne rien avoir entendu et ils comptent bien réintroduire le projet de loi dans le Budget 2014. Dans ce ballet d'annonces contradictoires, le consommateur est perdu et surtout, il ne comprend plus pourquoi on cherche à taxer ainsi son alimentation. Pendant ce temps, des lobbies s'acharnent pour dénigrer le produit en question, cherchant à démontrer la nocivité de celui-ci.Chaque fois qu'il instaure une taxe alimentaire, le politique cherche à justifier son action en expliquant au consommateur qu'il agit pour son bien. Ainsi les taxes sur l'aspartame et les boissons énergisantes ont été mises en place sur fond de «diabolisation de la consommation de ces produits» et avec pour objectif affiché de «combler le déficit de la sécurité sociale».Le casse-tête de la fiscalité alimentaire Mais s'est-on véritablement posé la question de l'efficacité de cette fiscalité punitive ? Sait-on, par exemple, qu'au Danemark, la première taxe sur les graisses saturées (Fat tax) a été supprimée une année après son entrée en vigueur ? Comme le souligne une enquête de l'Institut Molinari, «La mise en place de la fat tax s'est avérée être un casse-tête réglementaire pour les entreprises danoises qui y ont perdu en compétitivité».Résultat : les danois ont fait leurs courses dans les pays étrangers limitrophes. Quant à l'impact de la mesure dans son ensemble, il est négligeable avec une baisse de la consommation seulement de 0,4%. Nos politiques seraient donc bien inspirés d'étudier l'exemple danois avant de commettre l'erreur de créer une nouvelle taxe alimentaire.Dernier exemple, et non des moindres, qui prouve que l'alimentation inspire l'imaginaire fiscaliste de nos politiques, les TVA alimentaires ! En ce domaine, tout est permis. Si le consommateur se fait des cheveux blancs devant les prix qui augmentent, tout en ignorant bien souvent les mécaniques qui se trament derrière, le commerçant, lui, se les arrache lorsque dans un boulangerie il doit appliquer les 5 taux de TVA en vigueur : 5,5% pour un pain au chocolat, 7% pour une part de pizza chaude, 19,6% sur la confiserie, 2,1% sur le journal l'Equipe et exonéré sur le journal local ! S'il y a un choc de simplification fiscale à effectuer, c'est bien dans ce domaine.Une politique fiscale brouillonne et illisibleMais, là encore, consommateur et commerçants tendent le dos, car pour début 2014 la TVA alimentation de certains produits, ceux considérés à consommation immédiate, va passer de 7 à 10%. Là encore, on a du mal à voir une quelconque logique dans ces choix politiques. Sans compter qu'en France, tous les aliments ne sont pas à la même enseigne. Alors que certains ne seront soumis qu'à une taxe de 5% d'autres, à l'identique, se voient imposer un taux de 10%. Par exemple : une salade vendue sans couvert sera taxée à 5% celle vendue avec couverts à l'intérieur, 10% ; un poulet rôti acheté à la rôtisserie : 10%, en grande surface : 5%...Outre le fait que la fiscalité alimentaire, en général, soit une façon très sournoise d'imposer les Français qui n'en peuvent déjà plus, on constate donc une politique brouillonne et illisible. Le pire étant, sans doute encore, l'hypocrisie des politiques qui justifient l'arbitraire de leurs choix en affirmant qu'ils font tout cela pour notre santé ! Les consommateurs français feraient bien d'ouvrir les yeux et de réclamer plus de transparence à la veille de l'adoption du nouveau budget. Cela pourrait peut-être empêcher que l'addition soit trop salée. * Sophie Duprez est Présidente et fondatrice de l'association « Alimentation & Tendances » qui regroupe les enseignes de l'alimentation boulangère et la petite restauration. Elle représente plus de 2000 points de ventes employant plus de 16 000 salariés.
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