Réformer la réforme bancaire

Des océans d'encre (ou d'octets) ont été déversés au cours de ces trois dernières années pour tenter de mettre en forme les moyens de résoudre l'énigme des banques « trop grosses pour faire faillite ». De nombreux intellectuels et experts ont fustigé les régulateurs et les banquiers centraux pour leur incapacité à comprendre les attraits évidents du « narrow banking » [réduction de la taille des banques, Ndlr], avec une restauration de l'ère Glass-Steagall visant à séparer les activités de banque commerciale (dépôts) des activités de banque d'investissement (marchés) et des ratios de réserves obligatoires beaucoup plus élevés. Le monde de la finance serait alors plus sûr et les contribuables ne seraient plus sollicités pour renflouer les banques. En réponse, les banquiers soulignent qu'il est inconvenant de s'occuper de leurs affaires dans un monde de liberté et toute réglementation trop stricte risque d'augmenter le coût du crédit et donc de freiner la croissance. Un vrai dialogue de sourds.C'est pourtant sur ce terrain miné qu'avance la Commission bancaire indépendante en Grande-Bretagne, mise en place l'an dernier par le gouvernement et présidée par sir John Vickers, directeur du All Souls College d'Oxford, probablement ce qui se fait de mieux dans le système académique britannique. Les premières conclusions de la commission sont à la fois lucides et profondes. Et elles soulignent que les remèdes proposés seront très coûteux.Un point du rapport préliminaire montre qu'il est difficile d'établir une relation claire entre le modèle d'une banque et son succès ou non durant la crise. Certaines banques universelles s'en sont plutôt bien sorties, d'autres beaucoup moins bien. Certaines banques d'investissement ont prospéré (comme Goldman Sachs), d'autres se sont effondrées. Enfin, certaines banques de détail ont bu la tasse, comme Northern Rock, tandis que d'autres sont restées à flot (Santander en Grande-Bretagne, par exemple).John Vickers expédie ensuite sans ménagement certaines des options les plus séduisantes. Le « narrow banking », qui implique que les dépôts soient sanctuarisés dans des entités distinctes avec, à l'actif du bilan, du papier sûr et liquide, comme les obligations d'État, ne passe pas l'examen. « Les coûts sociaux seraient conséquents », prévient-il, dans la mesure où les synergies entre l'enregistrement des dépôts et les prêts seraient perdues. Et les gouvernements devraient presque certainement aussi soutenir certaines banques de crédit, ce qui ne permet pas de sauver l'argent public. Le président n'apprécie pas non plus le principe de la soi-disant « banque à raison limitée », dans laquelle toutes les dettes sont effectivement sécurisées. « Il y aurait une baisse de la valeur économique ajoutée de l'intermédiation », et les prêts aux PME en seraient profondément affectés. Limiter clairement la taille des banques n'a pas non plus ses faveurs. La règle Volcker ? « Il est peu probable que son impact soit significatif en Grande-Bretagne », ou même implicitement ailleurs qu'aux États-Unis.Le principe Glass-Steagall a retenu un peu plus d'attention de la part de la commission mais sans convaincre : « Les coûts d'une séparation totale pourraient s'avérer plus élevés que nécessaire par rapport aux problèmes à régler. » Il existe de fait un fort potentiel d'économies d'échelle entre la banque de détail et les services offerts par la banque d'investissement. En outre, une séparation supprimerait tous les bénéfices d'une diversification des métiers, notamment pour encaisser plus facilement les cycles.À ce stade du rapport surgit alors une surprise. La réforme qui trouve grâce aux yeux de la commission est celle décrite comme étant « la barrière fiscale d'exploitation de détail ». L'idée serait d'exiger d'une banque qui propose des services à la clientèle de particuliers de les loger dans une filiale différemment capitalisée. Les exigences en capitaux propres seraient alors beaucoup plus lourdes (10 % des encours pondérés) que celles imposées par le nouveau standard de Bâle III (7 %). Une telle obligation imposerait des coûts supplémentaires aux banques universelles en contraignant leur capacité à transférer du capital en interne. L'échelle de ces coûts est inconnue, la réaction des marchés à l'annonce de cette proposition sur les actions de Barclays ou de Royal Bank of Scotland suggère qu'ils ne sont pas aussi élevés que ce qui avait été redouté.Le principal avantage de ce système est qu'il est cohérent avec d'autres réformes en cours à Bâle. Cette « barrière fiscale d'exploitation » a encore plus de sens si elle est associée à un nouveau régime juridique permettant à une filiale de banque de détail d'être fermée sans contagion pour le reste du groupe bancaire.Si les réflexions menées actuellement pour envisager une solution de sauvetage, avec un partage de la facture avec les détenteurs d'obligations, portent également leurs fruits, nous aurions ainsi, à portée de main, une réforme sensée et peu coûteuse... que les régulateurs auraient en plus les moyens de mettre en place.Ceux qui veulent « réduire la taille des banques », même si cela implique de se couper le nez soi-même, seront bien évidemment insatisfaits des propositions de John Vickers. Cependant, en contribuant une évaluation honnête et rigoureuse des principales options de réforme, la commission indépendante a rendu un service inestimable et mérite toute la reconnaissance pour un travail réalisé avec élégance.Copyright Project Syndicate
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