Le grand bazar de Pascale Marthine Tayou

À la biennale de Venise l'an dernier, on ne voyait que lui. C'est dire s'il faut filer à Lille pour profiter de la rétrospective consacrée au plasticien d'origine camerounaise Pascale Marthine Tayou, présentée à la Gare Saint-Sauveur. L'occasion de se confronter à une oeuvre foisonnante, composée de vidéos, d'installations, de sculptures, de peintures ou de photos. Mais aussi de découvrir un lieu exceptionnel. Une gare lilloise du XIXe réhabilitée par la mairie en une «?maison de quartier?» au sens le plus noble du terme. Car on vient ici en famille fêter gratuitement l'anniversaire de ses enfants, prendre un bain bouillonnant l'été venu, rencontrer de jeunes écrivains, louer de 17?heures à 19?heures une chambre décorée par des artistes, se faire une toile ou un concert. Et bien sûr se familiariser avec le travail d'un artiste contemporain déployé sur 2.500 mètres carrés.Incroyable poésiePascale Marthine Tayou, donc. L'homme n'est pas venu à Lille les mains vides, trimballant avec lui tout son univers. Dans son monde, tout se monnaye en afro, ce qui l'a poussé à créer de drôles de billets de banque à son effigie. L'oecuménisme est aussi de rigueur comme le rappellent les installations au néon figurant une étoile de David, un croissant musulman et une croix aux couleurs changeantes. Une fois ce principe posé, on est propulsé sur une place de village piquée de huttes en bois sur pilotis. Sauf que les fenêtres servent d'écran à des vidéos réalisées chez des artisans ou dans des manufactures d'Afrique. Des fétiches en verre de Toscane à corne ou à épines de porc-épic veillent sur ce petit monde. Mais dans le village en bazar de Pascale Marthine Tayou (d'où le nom de Trafic Jam - en français, embouteillage - donné en titre à l'exposition), il y a aussi une place boursière baptisée Wall Street et composée d'une multitude d'enseignes du paysage urbain camerounais. Et même une vieille voiture déglinguée comme on en trouve tant sur les routes africaines. Sans oublier les chutes du Niagara réalisées à partir de papiers déchiquetés. Il faut prendre le temps de goûter à chacune de ces oeuvres, disposées du sol au plafond. On est alors ébahi par la capacité de l'artiste à jouer de tous les moyens d'expression, usant des matériaux les plus nobles comme des plus pauvres. De tout cela, naît une incroyable poésie. Celle d'un monde orchestré par un artiste plein de grâce. n « Traffic Jam » de Pascale Marthine Tayou à la Gare Saint-Sauveur à Lille. Tél. : 03.28.52. 30.00. Jusqu'au 13 juin. www.lille3000.com
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