Petrobras réussit la plus grande levée de capitaux de l'histoire

Qui aurait cru, il y a encore quelques années, que l'ex-ouvrier métallurgiste et créateur du Parti des travailleurs, Luiz Inacio Lula da Silva, célébrerait, à la Bourse de São Paulo, la plus grande augmentation de capital de l'histoire des marchés ? La compagnie d'hydrocarbures publique brésilienne Petrobras vient de lever plus de 70 milliards de dollars, un montant plus de trois fois supérieur à celui obtenu en juillet par la Agriculture Bank of China (22,1 milliards de dollars), jusqu'alors plus grande levée jamais réalisée sur les marchés.Le ministre de l'économie Guido Mantega célèbre ainsi le fait qu'avec une valeur de 146 milliards de dollars, Petrobras est désormais la deuxième entreprise par la capitalisation du secteur pétrolier, dépassée « pour l'instant », a-t-il dit en souriant, par l'américaine Exxon (291 milliards de dollars). L'offre a été confortablement souscrite, provoquant le soulagement au sein du gouvernement, critiqué pour un processus d'aumentation de capital trop complexe, à une semaine à peine de l'élection présidentielle. Petrobras devait urgemment injecter de nouvelles ressources pour faire face au programme d'investissement, annoncé en juin dernier, de 224 milliards de dollars entre 2010 et 2014. Il est destiné à financer l'exploitation des gigantesques réserves découvertes en 2007 au large du pays. S'étalant sur 800 kilomètres, à 200 kilomètres des côtes, ce pétrole est enfoui entre 5.000 et 7.000 mètres sous la mer, sous une couche de sel qui lui a donné son nom de « pétrole pré sel ». L'exploitation de ces réserves, dont l'estimation oscille entre 50 et 100 milliards de barils, - le Brésil, qui détient aujourd'hui 14 milliards de barils, pourrait devenir l'un des principaux producteurs mondiaux -, a fait l'objet d'un changement de la législation à la demande de Lula. Le Congrès a voté la fin du régime de concession, et donné à Petrobras un statut privilégié. Elle sera notamment actionnaire à hauteur d'au moins 30 % sur tous les champs de pétrole. Pour ce faire, la compagnie avait un besoin urgent de nouvelles rentrées, son ratio de dette sur actifs flirtant déjà avec la limite de 35 % qu'elle s'était imposée, (il atteignait 28 % l'année dernière). L'État, grand gagnantSoucieux de ne pas perdre le contrôle de l'entreprise - dont il possède 39,8 % du capital total et la majorité des droits de vote -, l'Etat prévoyait de participer à l'augmentation de capital en cédant à Petrobras des droits de forage de 5 millions de barils de pétrole. Le prix de chacun ayant été fixé à 8,55 dollars, ces titres équivalent à 43 milliards de dollars. L'Etat a toutefois également injecté de l'argent frais, via le Trésor public, la banque d'investissement BNDES, principal instrument financier public, ainsi que le Fonds Souverain du Brésil. Guido Mantega a révélé que la participation publique passe ainsi de 39,8 % à 48,03 %. Tout en saluant le succès de la capitalisation, plusieurs analystes ont critiqué cette montée en puissance de l'Etat. Ainsi Adriano Pires, qui dirige le CBIE, un cabinet de conseil à Rio de Janeiro regrette cette « réétatisation de l'entreprise », qui revient à politiser le processus. « L'Etat est le grand gagnant de cette capitalisation. Pour Petrobras, c'est moins sûr, car il aurait été préférable d'avoir plus d'argent frais plutôt que des droits de forages. Et les perdants sont les actionnaires minoritaires, dont la participation est diluée », conclut-il. Concrètement, cela signifie que, hormis les droits de forage, Petrobras empoche 20 milliards d'euros de liquidité. C'est très inférieur aux besoins du programme d'investissement, mais cela permettra à l'entreprise d'emprunter sur les marchés sans mettre en péril sa crédibilité financière. Virginie Mairet, à Rio de Janeiro
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