Un titre - « la Couleur des sentiments » - et une couverture qui accrochent. Et très vite, un premier roman qui vous engloutit et vous laisse 528 pages plus tard éblouis par l'extraordinaire talent de conteuse de Kathryn Stockett. Car cette dernière réussit ici une oeuvre au long cours captivante, remarquablement construite, sur la ségrégation raciale à l'orée des Sixties.Bienvenue à Jackson Mississippi, ville natale des Phelan, riches planteurs de coton, dont la fille Skeeter revient au pays après des années d'études. Ses amies se sont mariées, ont eu des enfants, mais elle ne se reconnaît absolument pas là-dedans. Skeeter a d'autant moins envie de leur ressembler qu'elle se rêve écrivain. La seule sur laquelle elle pourrait compter pour la soutenir est Constantine, la bonne qui l'a élevée. Mais cette dernière a disparu et personne ne veut dire à la jeune fille ce qui s'est passé. Alors Sketter a une idée : écrire un livre sur ces « Nannies » qui élèvent les petits Blancs, en donnant la parole à ces dernières. En ces temps de lynchage et d'apartheid qui ne dit pas son nom, les seules qui acceptent de lui parler sont Aibileen et sa meilleure amie Minny. Kathryn Stockett a construit son roman en alternant les voix d'Aibileen, Minny et Skeeter. Se faisant, elle brosse le portrait puissant de trois femmes différentes. Mère meurtrie, Aibileen se laisse peu à peu gagner par la rage contre la ségrégation. Minny la grande gueule, dotée d'un humour persifleur des plus corrosifs, refuse pour sa part toute forme de compromis. Quant à Skeeter, son monde s'est écroulé et elle essaye de le reconstruire à travers son livre.L'auteur tisse des liens entre chacune de ces femmes, et raconte avec une extraordinaire justesse les rapports entre Noirs et Blancs. Le Sud profond des États-Unis avec ses codes, ses peurs, ses règles tacites devient au fil des pages le quatrième personnage de ce roman. À Hollywood, on songe déjà à une adaptation cinématographique. Un certain Steven Spielberg serait même sur les rangs.Yasmine Youssi Éditions Jacqueline Chambon, 528 p., 23,80 euros.

latribune.fr

26 Déc 2010, 23:23

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