Non, il n'y a pas que la viande de cheval au Salon de l'agriculture !

Même en pleine semaine, mardi, les visiteurs étaient au rendez-vous dans la plus grande ferme de France. En pleine crise de confiance alimentaire, les consommateurs sont venus nombreux à la rencontre des producteurs, dans le pavillon des bovins qui fleurait bon la paille et les pis. Certes le scandale de la viande de cheval est dans toutes les têtes mais d\'autres sujets préoccupent davantage les agriculteurs: les prix, des normes environnementales trop exigentes mais aussi le comportement du consommateur. A cet égard, la filière laitière fait figure d\'exemple-type. Le président de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) - qui est aussi président du Cniel (centre national interprofessionnel de l\'économie du lait) a d\'ailleurs interpellé François Hollande deux jours avant l\'ouverture du SIA.La lettre ouverte de la FNPL à François HollandeDans une lettre ouverte au président de la République, Thierry Roquefeuil alerte sur la \"situation difficile des éleveurs laitiers\" dont les revenus sont en berne. \"Jamais de mémoire nous n\'avons vécu une telle augmentation de nos coûts de production\", argue-t-il. \"Il est urgent que votre gouvernement propose des solutions concrètes\" à la crise de la production laitière. \"La LME (loi de modernisation de l\'économie) doit être rouverte et améliorée\", suggère Thierry Roquefeuil. Le risque étant que les agriculteurs préfèrent se tourner vers la production céréalière, plus attractive. Rappelons à ce titre que selon des chiffres officiels, les éleveurs d\'ovins et de bovins gagnent en moyenne 15.000 euros par an, contre 72.000 à 80.000 euros pour les céréaliers et les betteraviers.Des prix trop bas, des charges trop élevéesPremier problème des agriculteurs: les prix. Au Salon, les éleveurs confirment. \"On hésite à se lancer aujourd\'hui\", reconnaît un stagiaire éleveur laitier. Le prix de base du lait a baissé, à environ 320 euros les 1.000 litres soit le même prix qu\'il y a vingt ans. Mais à côté de cela, \"les charges ont triplé\", explique Yoann Champion, un éleveur de vaches Prim\'holstein en Indre-et-Loire. A titre d\'exemple, le prix de la tonne de soja -utilisé pour nourrir les bêtes - est passée de près de 200 euros à plus de 500 euros. Difficile donc de faire son beurre dans ces conditions.Prime \"qualité\"Il existe toutefois des primes \"qualité\", nuance l\'éleveur. Celles-ci fonctionnent peu ou prou comme le système des bonus malus de l\'assurance auto. La laiterie de Verneuil - coopérative qui compte 115 salariés et dont fait partie Yoann Champion - lui accorde ainsi une prime pour l\'encourager à augmenter la matière protéique du lait, contrairement à la matière grasse, qui permet de produire beurre, yaourts et fromage. La laiterie de Verneuil fournit notamment le beurre pour les galettes Saint-Michel. Ce système de primes peut permettre à l\'éleveur de gagner jusqu\'à 10% de plus. En revanche, sa production peut être taxée si la quantité de \"cellules\", néfastes pour la santé humaine, est trop importante dans le lait.Ayrault: \"Il faut partir du prix du producteur, de ses coûts réels\"Cette question des prix,  le Premier ministre semble en avoir pris note lors de sa visite au Salon. Evoquant la LME \"mal appliquée ou pas appliquée du tout\", Jean-Marc Ayrault a assuré que s\'il fallait \"modifier cette loi, nous y sommes prêts\". \"Pour arriver à quel résultat ? Pour que lorsque les producteurs négocient avec la grande distribution, qu\'on ne parte pas du prix proposé par la distribution mais du prix du producteur. Aujourd\'hui, c\'est le contraire. Il faut partir du prix du producteur, de ses coûts réels et à partir de là, signer un contrat qui préserve les intérêts du producteur\", a fait valoir le chef du gouvernement.De trop lourdes contraintesDeuxième problème: les agriculteurs jugent les contraintes environnementales beaucoup trop fortes. \"Il y en a moins pour les céréales\", lance un éleveur. Les agriculteurs dénoncent ainsi de trop grandes capacités de stockage. La mise aux normes requiert en effet une \"surcapacité de stockage pour 6 mois\". Ceci a pour conséquence de lourds investissements qui ne s\'avèrent pas rentables. \"Regardez ailleurs, il n\'y\'a qu\'en France qu\'on voit ça\", s\'emporte Yoann Champion.Concernant les pesticides, \"on est bien obligé de les utiliser\", reconnaît Yoann Champion, mais \"on n\'en met pas à une échelle industrielle, c\'est avec parcimonie\". \"Nos enfants mangent le pain que l\'on fait, la viande que l\'on produit et notre lait, on ne veut pas les empoisonner ! On ne veut pas empoisonner les gens !\", s\'insurge l\'éleveur.Où est passé le Bio?Quant au bio, l\'éleveur n\'est pas très convaincu. \"On produit deux fois moins qu\'en agriculture traditionnelle\", explique-t-il. De plus, pour produire bio, les vaches doivent brouter de l\'herbe. Or, les éleveurs ont constaté que lorsque les bêtes se nourrissent d\'encilage de maïs, elles produisent plus. Par conséquent, pour conserver le même niveau de production, il est possible de réduire le nombre de vaches et ainsi de baisser le niveau de pollution. \"C\'est le serpent qui se mord la queue\", conclut l\'éleveur. Car côté environnement, les éleveurs sont en effet contraints de respecter une surface minimale et des lieux bien précis pour étaler les déjections animales. \"Ce qui est très lourd à gérer puisque tous les deux trois ans, l\'Europe en remet une couche\", déplore Yoann Champion.Le consommateur responsable ?Mais selon lui, plus qu\'au niveau de l\'Etat, c\'est à l\'échelle du consommateur qu\'il faudrait faire évoluer la situation. \"Les agriculteurs représentent 3% de la population active hexagonale\", déplore-t-il. C\'est donc au consommateur de \"faire bouger les choses\". En commençant par \"boycotter un peu le lait des grandes surfaces. Parce que ce lait-là, ce n\'est pas le nôtre\", argue-t-il. \"C\'est comme pour l\'élevage des volailles poursuit-il. On croit qu\'il vaut mieux de la volaille élevée en plein air plutôt qu\'en batterie. Mais si on les garde à l\'intérieur, c\'est pour éviter qu\'elles soient malades, et donc qu\'on leur donne moins d\'antibiotiques\", assure-t-il. \"Il faudrait pouvoir faire intégrer ça aux gens. Mais ce n\'est pas demain la veille\", conclut Yoann Champion.Et lorsqu\'on aborde le thème du scandale alimentaire de saison, l\'éleveur laitier monte sur ses grands chevaux. \"C\'est la faute du consommateur !\", s\'exclame-t-il. \"A force de vouloir du tout prêt pour pas cher, ce qui arrive n\'est pas étonnant. Les industriels ont compris le filon. Parce que ce qui les intéresse, eux, c\'est de maximiser leurs marges, ne nous leurrons pas\".
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