L'UMP fêtera-t-elle ses dix ans ?

La politique est aussi et surtout une affaire de géographie. Quand un espace se libère, il se trouve tôt ou tard occupé. En refusant d'appeler à voter contre le Front national, en donnant donc un coup de barre à droite, Nicolas Sarkozy a laissé s'ouvrir un espace sur le centre-droit de l'échiquier politique. Et nombre d'élus UMP de s'y engouffrer, se positionnant en faveur de la défense d'un front républicain : concrètement, ils ont appelé à voter socialiste, en cas de duel PS-FN au second tour des cantonales. Comment concilier, au sein d'un même parti, des points de vue aussi différents ? Non seulement les centristes membres de l'UMP se sont désolidarisés de Nicolas Sarkozy, mais cela a été le cas, aussi, d'ex-libéraux et d'anciens RPR (Alain Juppé, Valérie Pécresse). Un tel grand écart est-il tenable entre des élus refusant de diaboliser le Front national - dont certains sont même prêts à franchir le Rubicon d'une alliance avec le FN - et ceux que révulsent les thèses de Marine Le Pen ? Il reflète les divergences à la base, parmi les électeurs de droite. « 40 % des sympathisants UMP se sentent dans la proximité du FN, c'est dire qu'il y a une porosité, une digue qui a sauté », a déclaré Dominique de Villepin, sur RMC. Et de poursuivre : « À la vérité, il y a une division profonde au sein des soutiens à l'UMP : il y a d'un côté une droite dure, nationale, et il y a une deuxième droite qui est une droite républicaine, humaniste, qui se sent de plus en plus mal à l'aise. » C'est la « droite centrale », selon l'expression du politologue Olivier Duhamel. Un éclatement est d'autant plus possible - beaucoup dépendra bien sûr de l'issue de la prochaine élection présidentielle - que l'UMP n'a jamais constitué un parti véritablement unifié, contrairement au projet de son fondateur, Alain Juppé. La création de ce qui s'appelait alors, en 2002, l'Union pour la majorité présidentielle, découlait bien sûr de la volonté de Jacques Chirac de mettre à profit un score triomphal à l'élection présidentielle. Il voulait faire un « coup », en vue des scrutins à venir. Mais la fondation de ce qui se voulait l'union des droites correspondait aussi à une évolution plus profonde. Alors que la société française avait fini par abandonner les combats idéologiques, les affrontements de projets de société, alors que les seuls débats ne portaient plus que sur la manière de gérer, pourquoi ne pas s'aligner sur le modèle des grandes démocraties, où domine à droite un grand parti conservateur ? Le choix était d'autant plus évident que la dernière pierre d'achoppement entre élus de droite, à savoir l'Europe, n'en était plus une. Après le ralliement de Jacques Chirac à la monnaie unique, et la fin des affrontements entre pro et antimaastrichtiens - ces derniers étant réduits à la portion congrue -, les vraies différences idéologiques entre militants RPR, Démocratie libérale ou UDF devenaient ténues. Pourquoi, alors, ne pas rassembler tout le monde ?Le problème, c'est que le RPR, à l'origine de ce rassemblement, n'eut de cesse d'affirmer son hégémonie sur l'UMP. D'où le refus de l'UDF, maintenue par François Bayrou en dépit de nombreuses dissidences, de la rejoindre. Et des ralliements à l'UMP qui furent d'abord des débauchages, éventuellement avec contrepartie - telle la promotion de Jean-Pierre Raffarin au rang de Premier ministre. Face à un « patron » toujours issu du parti néogaulliste, chacun voulut finalement conserver son ancienne étiquette. En repoussant à plusieurs reprises l'officialisation de courants au sein de l'UMP, sa direction a en fait contribué à maintenir des distinctions ayant perdu une grande part de leur signification. D'où, aussi, la demande de maintien de subtils équilibres dans les organigrammes, que le dernier en date, celui mis en place en févier par Jean-François Copé, ratifie : à chaque niveau hiérarchique, à Paris et dans les départements, on trouve un ex-RPR, un ex-adhérent de Démocratie libérale et un centriste. D'où le choix des deux secrétaires généraux adjoints, aux côtés de l'ex-RPR Copé : Marc-Philippe Daubresse pour les centristes, et Hervé Novelli pour les libéraux. L'échec de l'ambition de 2002, à savoir l'assimilation des militants et élus, qui auraient abandonné leurs anciennes étiquettes, s'explique aussi par « une fidélité très française à une tradition d'affrontements idéologiques », souligne l'historien Serge Berstein.La fracture sur la stratégie à mener face au Front national pourrait se traduire dès le mois d'avril par le départ de l'UMP de Jean-Louis Borloo et de son Parti radical. Au-delà, la victoire de Nicolas Sarkozy en 2012 pourrait permettre de sauver les meubles. Dans le cas contraire, quel serait le ciment entre ex-gaullistes, libéraux et centristes ?L'analyse
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