La fiscalité française a besoin d'un gros coup de vert

Les chiffres donnent le vertige : 1.500 milliards de subventions accordées à des activités polluantes dans le monde, dont 50 milliards en France. Soit, selon les calculs de Guillaume Sainteny, directeur de la chaire développement durable à l\'école Polytechnique et auteur de « Plaidoyer pour l\'écofiscalité » (Buchet Chastel, 20 euros), de trois à cinq fois plus que celles dédiées à la protection de l\'environnement.Nicolas Hulot, qui avait boudé Rio+20, mouille à nouveau la chemise à quelques jours de la présentation au Conseil des ministres de la loi de finances rectificative le 4 juillet, et à quelques semaines de la loi de finances 2013 qui doit être présentée en septembre. Il prend ainsi la parole aux côtés du RAC-F (Réseau action climat France) au nom d\'un groupe réunissant une trentaine d\'associations environnementales et une cinquantaine d\'économistes, pour demander que cessent les subventions aux activités nuisibles à l\'environnement. C\'est l\'appel \"Stop aux subventions à la pollution.\"Rentrer dans le dur du logiciel fiscal« Comme on a encore pu le constater à l\'occasion de Rio+20, nous sommes dos au mur, et l\'heure n\'est plus aux atermoiements, affirme-t-il. On peut bien sûr verdir un peu la fiscalité ou la politique agricole commune, mais cela ne suffit pas et il faut maintenant rentrer dans le  dur du logiciel fiscal. » A ses yeux, la fiscalité permet un partage équitable de la solidarité, fournit aux Etats des recettes et donc des capacités d\'investissement, tout en favorisant la régulation. Historiquement porté par Bruxelles, l\'OCDE et les ONG anglo-saxonnes, le sujet de la fiscalité verte a été jusqu\'à présent délaissé par les ONG françaises.Contexte favorableMais cette fois, le contexte budgétaire devrait rendre le gouvernement réceptif à toute piste d\'économie. D\'autant que le nouveau président avait promis lors du Congrès organisé en janvier par la FNE « un examen systématique de l\'ensemble des dispositions fiscales défavorables à l\'environnement », mais n\'a toujours rien proposé à une semaine du collectif. « Les grandes réformes fiscales ont toujours lieu en début de mandat », rappelle en outre Guillaume Sainteny. En outre, la France est maintenant montrée du doigt par la Commission, qui l\'a classée 26ème sur 27 Etats membres, mais aussi le FMI et l\'OCDE.Vision d\'ensemble indispensable« En toute logique, on devrait taxer plus ce qu\'on veut le moins, et exonérer ce qu\'on veut le plus », rappelle Nicolas Hulot. Pourtant, en France, la majorité des prélèvements porte sur le travail. Le collectif prône donc une réforme de fond en comble de la fiscalité française qui, surtout, se fasse à charge fiscale équivalente. Pas question en effet de faire apparaître des taxes additionnelles.Guillaume Sainteny comme Nicolas Hulot jugent que ce manque de vision d\'ensemble est la cause principale de l\'échec de la « contribution climat énergie », ou taxe carbone, que le précédent gouvernement avait tenté d\'introduire en 2009. « Il va bien falloir y revenir, on ne peut pas laisser 60 % des émissions françaises en dehors de tout encadrement », souligne Nicolas Hulot.Pour Guillaume Sainteny, la réduction, voire la suppression de ces subventions à des activités nuisibles à l\'environnement, est justifiée par des raisons de toutes natures : budgétaires (le gouvernement cherche de 7 à 10 milliards d\'euros pour boucler son budget), économiques (les secteurs qui reçoivent aujourd\'hui le plus de subventions sont les secteurs vieillissants, ce qui ne favorise pas l\'innovation), sociales (ces subventions bénéficient plus aux classes moyennes qu\'aux plus démunies auxquelles elles sont officiellement destinées), commerciales (elles favorisent les importations d\'énergies fossiles), géopolitiques (elles accroissent notre dépendance énergétiques) et politiques, puisqu\'elles s\'inscrivent parfaitement dans la transition énergétique promise par le nouveau gouvernement.En ligne de mire : le diesel, l\'immobilier neuf, le kérosène...En revanche, le départ de Nicole Bricq du ministère de l\'Ecologie, très versée en fiscalité et qui avait fait venir un spécialiste de ces questions à son cabinet, n\'est pas de très bon augure. Autre obstacle, et non des moindres, les secteurs les plus attaqués par le collectif sont aussi ceux qui jouissent du plus grand pouvoir de lobbying, et dont la fragilité économique pourrait bien leur servir d\'argument pour s\'opposer à ces modifications. Les taxes sur le diesel, 30 % mois élevées en France que sur l\'essence (alors que la différence n\'est que de 12 % en moyenne dans l\'Union européenne), même s\'il explique en partie les difficultés de l\'industrie française du raffinage, a aussi dicté la diésélisation du parc automobile français (60 % aujourd\'hui), et la stratégie industrielle des constructeurs nationaux.L\'immobilier neuf, notamment lorsqu\'il s\'agit d\'étalement urbain, est aussi ans la ligne de mire. Tout comme le kérosène pour les avions, qui bénéficie d\'exonérations partout dans le monde depuis 1940 et coûte chaque année 3,5 milliards d\'euros aux Français. Mais il existe des moyens de contourner cette convention internationale. L\'Allemagne, par exemple, a instauré une taxe sur les billets d\'avion très supérieure à celle qui existe en France.RAC et la FNH n\'ont pas prévu de « twitter storm » comme celle lancée à l\'échelle mondiale par l\'association 350.org en amont de Rio+20, même de manifestation en ligne. Mais ils donnent rendez-vous aux citoyens sur le site stopsubventionspollution.fr pour qu\'ils signent la pétition.   
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